Tourisme & transport aérien : desserte des DOM-TOM, quelles solutions ?


La desserte des DOM-TOM a toujours été une source de discussions sans que l’on parvienne à une situation confortable pour les acteurs. Ce marché captif, hormis quelques tentatives marginales d’Ethiopian Airlines ou d’Emirates, est partagé entre 4 opérateurs de taille semblable à défaut d’être égale : Air Caraïbes, Corsair, Air Austral et Air Tahiti Nui auxquels il faut ajouter French Bee et le très gros morceau : Air France.

Certes, le marché est important, mais le nombre d’opérateurs aussi et la guerre tarifaire qu’ils se livrent ne contribue pas à leur prospérité.

Or depuis le début de la pandémie, le marché s’est effondré, ce qui entraine de colossales difficultés pour des compagnies de niches totalement impactées par la situation sanitaire et administrative qui en découle. On attendait une reprise importante pendant la saison d’été, mais, patatras, les populations des îles se sont montrées trop réticentes à se faire vacciner et la Covid-19 fait des ravages.

A tel point qu’il a fallu procéder à des confinements au moment traditionnellement le plus juteux pour les compagnies aériennes. Et voilà donc tous les plans des transporteurs mis à mal. Ils comptaient se refaire une santé et les voilà plongés dans le marasme.

Certes l’impact sera moindre pour Air France qui dispose d’un réseau mondial, lequel a d’ailleurs du mal à retrouver un niveau d’activité correct. Mais il est catastrophique pour les 5 autres transporteurs. A tel point que même le mieux géré, qui a toujours dégagé des profits Air Caraïbes et son « low cost » French Bee, se voit obligé à demander une aide de l’Etat ce qu’il n’avait pas fait jusqu’alors.

La difficulté devient extrême pour Corsair, Air Austral et Air Tahiti Nui.

Pour cette dernière, les inquiétudes sur son avenir sont faibles. Le gouvernement de Tahiti dispose d’une autonomie vis-à-vis de la Métropole bien supérieur à celle qui s’exerce sur les Antilles ou la Réunion.

Il ne lâchera pas sa compagnie et la haute saison est plus en hiver qu’en été. On peut penser alors que la population se sera enfin fait vacciner et que le trafic pourra reprendre.

La situation est plus difficile pour Corsair récemment installée dans une nouvelle gouvernance.

Certes la recapitalisation a bien été faite, essentiellement d’ailleurs par un abandon de créances de 126 millions d’euros de la part de l’ancien propriétaire TUI. Le reste consiste à un prêt et des aménagements fiscaux de la part de l’Etat et d’un apport de seulement 30 millions d’euros fait par les nouveaux actionnaires antillais.

Seulement la situation nette était déjà largement dégradée et les apports de capitaux et de facilités de trésorerie seront insuffisants pour passer les effets de la crise sanitaire. Alors il faudra bien que le Gouvernement remette d’une manière ou d’une autre, la main à la poche.

Pour ce faire l’idée d’un rapprochement avec Air Austral, elle aussi mal en point, a germé dans la tête des responsables étatiques. Un premier accord de « joint-venture » a été passé entre les deux transporteurs sur l’axe Paris-Réunion. Mais on ne voit pas vraiment ce qu’il pourra résoudre.

En effet en face du nouvel ensemble commercial et opérationnel constitué par Air Austral et Corsair, il restera les gros opérateurs que sont Air France et French Bee, et ces derniers dicteront les niveaux tarifaires.

Est-il possible d’aller plus loin ? Voilà qui semble difficile.

Outre les égos des actionnaires, chacun défendant farouchement son territoire, et les différences sont profondes entre les Antilles et la Réunion, sans compter le facteur éloignement, il y a une différence stratégique considérable entre les deux opérateurs.

L’un opère des Boeings et l’autre des Airbus, par exemple. L’un dessert l’océan indien alors que l’autre a une vocation géographique beaucoup plus étendue.

Les actionnaires d’Air Austral sont publics ou semi publics alors que ceux de Corsair sont privés. Bref, on ne voit pas vraiment comment la cohabitation peut durer et s’avérer profitable.

Alors les compagnies qui desservent essentiellement les DOM-TOM sont-elles vouées à disparaître ?

Il n’en est surtout pas question. Elles sont trop utiles et le fait qu’elles soient en concurrence permet de maintenir un niveau tarifaire et une qualité de service auxquels les clients sont très attachés.

Je ne sais pas quelle est la bonne solution, mais je suis convaincu que les Pouvoirs Publics français seraient bien inspirés d’injecter suffisamment de liquidités dans chacun des transporteurs pour maintenir ce qui reste tout de même si nécessaire à la dimension planétaire de la France et donc à son poids international.

Le temps presse.

Jean-Louis Baroux





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