Taxe tourisme : Venise tombe le masque
4 janvier 2019 Frédéric De Poligny Aucun commentaire À la une du WeekEnd Burano, Luigi Brugnaro, Mestre, Murano, Palais des Doges, Place St Marc, Pont du Rialto, Santa Lucia, venetie, Venise 3477 vues
Pour clôturer une année assez compliquée pour l’Italie, le parlement italien a définitivement adopté samedi dernier, 29 décembre, la nouvelle loi de finances pour 2019 qui inclut l’autorisation pour la ville de Venise de créer une taxe spéciale pour tous les visiteurs non résidents (article 1129). Cette contribution devrait entrer en vigueur pour l’été 2019. Le montant de cette taxe sera modulé de 2,50 à 10€ par personne en fonction des périodes et devrait se substituer à la taxe de séjour actuellement en vigueur.
Présentée comme une « bonne » manière pour limiter le tourisme de masse qui sature la ville (plus de 30 millions de visiteurs par an) elle est censée viser la grande majorité des touristes qui se contentent de visiter la Sérénissime en une journée et ne payent pas la taxe de séjour perçue sur tous les types d’hébergement touristique intra muros.
La taxe de séjour est actuellement une des plus hautes d’Italie, de 2 à 5€ par personne et par nuit. Le premier aspect positif de ce droit d’entrée concerne les amoureux de Venise qui ont la chance et les moyens de séjourner dans la cité elle-même qui gagneront au change. Cela les incitera peut-être à en profiter plus longuement.
Ravi d’avoir eu gain de cause, Luigi Brugnaro, le maire de Venise, a twitté le lendemain du votée de la loi de Finances : « Nous étudierons une réglementation équilibrée et partagée qui préserve ceux qui étudient et travaillent sur notre territoire« . Pour lui cette taxe sera utilisée en priorité pour faire face aux frais de nettoyage de la ville qu’engendre le passage de millions de visiteurs chaque année.
Les premiers visés sont évidemment les croisiéristes qui débarquent par milliers de chacun des 600 navires accostant Venise, et qui pour beaucoup ne prennent même pas un repas à terre.
Ce droit d’entrée est déjà surnommé « taxe de débarquement » en référence à celles déjà appliquées dans les Îles Éoliennes et à l’Île d’Elbe.
La municipalité de Venise estime que cette nouvelle taxe devrait rapporter au moins 50 millions d’euros la première année, alors que la taxe de séjour n’a rapporté en 2017 que 30 millions (l’estimation pour 2018 tourne autour de 33 millions).
Pour faciliter la récolte de cette future manne, la municipalité prévoit de la percevoir via les compagnies aériennes, les compagnies de croisière et les autocaristes qui la rajouteraient dans leurs tarifs avant de la reverser dans les caisses de la ville. C’est une manière facile de la mettre en place.
A priori ce droit d’entrée devrait être rajouté au tarif des trains arrivant directement à la gare de Venise Santa Lucia, y compris vraisemblablement pour les trains qui relient toutes les 10-15 minutes la gare de Mestre au centre de Venise. Cela devrait être aussi possible avec les bus locaux reliant Mestre à Venise.
Mais comment faire pour les visiteurs arrivant en taxi, où se faisant déposer en voiture à l’entrée de la ville? De quelle manière Venise va-t-elle pouvoir vérifier que tous ont bien payé cette taxe? Il serait utopique de penser que les chauffeurs de taxis pourraient prélever cette taxe.
Un chauffeur de taxi qui en haute saison ferait en une journée une vingtaine de trajets Mestre-Venise avec 4 passagers, récupérerait en plus du montant des courses 800€ de taxe, imaginez un peu la suite…
Il ne reste à la ville qu’à installer des portiques de péage spéciaux à l’entrée de la ville pour contrôler le nombre de passagers de chaque véhicule.
C’est assez facile il n’y a qu’une seule voie d’accès à Venise, le Pont de la Liberté. Quelques bouchons seront à prévoir. Mais petit problème, que faire avec les motoscafo, les fameux bateaux-taxis qui circulent aussi sur toute la lagune ?
Venise espère diminuer la pression touristique avec ce droit d’entrée non négligeable mais cela pourrait aussi avoir des effets collatéraux négatifs, à commencer par l’hôtellerie à Mestre. L’offre hôtelière y est plus développée et beaucoup plus abordable que dans Venise. Actuellement beaucoup de visiteurs résident à Mestre pour deux ou trois nuits ce qui leur permet de visiter Venise tranquillement. Venise est une merveille qui nécessite du temps.
La ville est vaste, les quartiers sont nombreux et ont chacun leur charme. La lagune est parsemée d’îles qui sont autant de lieux qui méritent une visite.
Le touriste installé à Mestre devra-t-il régler un droit d’entrée chaque jour ? Cela pourrait l’inciter à réduire son séjour, et du coup l’hôtellerie à Mestre pourrait en souffrir.
Et cela pourrait aussi avoir pour effet pernicieux d’augmenter cette fameuse pression touristique qui désespère Luigi Brunato, le maire, car avec des visites raccourcies, les touristes vont encore plus se focaliser sur les plus connus des sites vénitiens qui sont déjà saturés, Place St Marc, Palais des Doges et Pont du Rialto…
Les îles comme Murano et Burano pourraient faire face à une diminution légère du nombre de visiteurs, mais beaucoup de monuments et de quartiers excentrés pourraient être plus fragilisés.
Avec en corollaire le risque d’une baisse de fréquentation des commerces vénitiens.
Les visiteurs d’un jour ne sont pas ceux qui prennent le temps de déjeuner dans un bon restaurant ou de s’installer tranquillement à la terrasse d’un café pour savourer l’atmosphère de la ville.
Augmenter les taxes n’est pas souvent le meilleur moyen de résoudre un problème difficile.
Frédéric de Poligny
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