Dévoués aux gens qui connaissent la valeur des choses et apprécient les valeurs qui n’ont pas de prix, Jérémie Richeplan, alias J.R. se déboutonne juste pour « La Quot. »


Photo JP 2« Les personnages et les situations de ces récits étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes, des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. »

– J.R. : « j’chu ben em… de v’nir parler de mon boulot d’chauffeur à la Quotidienne, PR, ché’ pas si çà peut intéresser les lecteurs, c’est juste trop « mec normal », non ?… mais en même temps, j’serai pas peu fier que tu m’donnes la parole pass’quon n’en parle jamais de nous autres, les chauffeurs de cars… sauf nos clients qui nous adulent et qui nous réclament comme des vedettes de cinoche… mais çà, comment qu’tu pourrais savoir, si j’t’explique pas, hein ? »… J’te préviens, j’écrirai pas comme j’te parle, j’vais m’forcer à t’causer comme à mes clients au micro, d’ac ? »

Bon, eh bien voilà : mon histoire pro. a commencé tout bêtement, sans que je m’y prépare ! Je suis tombé dans le potage du transport de voyageurs à mon retour du régiment. C’était là-bas que j’avais passé mes permis et comme tu peux comprendre, validés expresso, dès le lendemain de mon retour de l’armée.

Entre nous… maintenant, çà coûte la peau de dos si tu veux bosser et passer tes permis… Il faut vraiment être cons pour faire payer les gens qui veulent vraiment travailler… et puis après ils s’étonnent, ceux qui nous gouvernent, qu’il y ait des chômeurs ! Si t’as pas d’ boulot, t’as pas d’salaire, alors comment pourrais-tu te payer une formation ?

Bon, il parait qu’il y a des systèmes en place à l’AFT, mais ils ne doivent surement pas être assez visibles puisqu’on recherche environ 10 000 conducteurs de cars chez nous, pendant que le taux de chômage s’élève à 10,5 % dans notre pays. Alors, méconnaissance du secteur ??? mauvaise image ???… On pourra en reparler !

En partant au régiment, je ne savais franchement pas ce j’allais foutre à mon retour et comme mon père me traitait de bon à nib, ça m’aidait pas vraiment…
Coup de bol, j’ai tout de suite trouvé une gâche chez l’autocariste du coin qui venait de se voir attribuer un service scolaire.

J’étais tout gamin, pas trop timide, j’avais une assez bonne bouille, la langue bien pendue, le caractère plutôt souple et des mains de mécano déjà entrainées avant l’armée… Je te jure, ce n’est pas terrible comme références, mais c’était vachement mieux pour trouver du boulot que d’avoir un diplôme…mais, est-ce que çà a bien changé aujourd’hui ?

D’abord, j’ai commencé par faire des services scolaires et là, je me suis emmerdé gravissime à transporter ces mioches, mal élevés et faignants comme des couleuvres. Il fallait presque un palan pour les grimper dans le car le matin et des torgnoles le soir pour les calmer…Sauf qu’à ce moment-là, il faut reconnaître qu’ils étaient plutôt moins barjes que ceux de maintenant coiffés avec un pétard…ils ne dézinguaient pas les sièges au cutter, ne fumaient pas de joints dans le car… Ils disaient même bonjour en montant dans le car, t’as qu’à voir !

Bon sang de bonsoir… mais qu’est ce qui lui a pris à Chirac de sucrer le régiment… c’était quand même un bon moyen de leurs botter le cul et de leurs apprendre à marcher droit aux mômes… Même qu’ils pouvaient en profiter pour apprendre un métier, parfois à mieux écrire, voire même à découvrir les misères des autres…

Et puis, on aurait vu s’ils étaient chauds pour faire leur service en France et se faire shooter les fesses tous les gugus qui habitent chez nous sans bosser et qui foutent le binz partout… ça les auraient calmés !

Moi, j’suis pas bien malin, j’ai pas fait polytechnique, mais ça me dépasse et mes clients seniors avec qui j’en parle sont encore bien plus énervés que moi… Mais je m’égare, je ne sais même pas pourquoi je dis ça… Voyons… Ah si ! c’était seulement pour dire que lorsque j’étais plus jeune, il y avait plein de garçons qui devenaient chauffeurs de cars ou de camions à la sortie de l’armée alors que maintenant, ils n’en trouvent plus… ni à pôle emploi, ni par annonces, ni nulle part… c’est à croire que les mecs, ils ne veulent même plus bosser !

Bref, je reviens à mon histoire perso… Au début, mon boss me faisait faire du nettoyage et un peu de mécanique entre les services scolaires et puis par la suite, quand j’ai gagné sa confiance et il m’a fait faire du service régulier.
Alors là, en plus de la conduite du 12 mètres, du respect impec des horaires, des nettoyages blizzz du sol au plafond, j’ai aussi appris à tenir la sacoche et la caisse maison… et crois-moi, ça, tout ça, c’était pas du sucre !

Il faut dire qu’au début de ma carrière, dans les petites villes, on ne faisait pas beaucoup de sorties.
On en entendait parler par des collègues des grands voyages, même qu’on en rêvait, mais seulement pour nous, il n’y avait que quelques déplacements sportifs.
Les balades du dimanche pour les clubs de 3ème âge étaient réservées au patron, qui conduisait lui aussi, bien entendu !

Ce n’est qu’après, dans les années 65 / 70, comme vous l’a expliqué J.P. la semaine dernière, que les curés ont commencé à utiliser les cars pour leurs voyages/pèlerinages. Alors là… je t’explique pas, c’était à celui qui se faisait passer pour le plus bigot possible, dans l’équipe… tu parles si on priait sec pour s’y coller au voyage du curé !

Juste parce que c’était vachement bien de partir avec eux, les prêtres… Gentils, respectueux, cultivés et souvent drôles…ils savaient ce que c’était que de parler aux gens, eux. Ils m’en ont fait des confidences, ces bougres… Le chauffeur, il avait en plus l’honneur de partager la même table que l’abbé en voyage et çà pousse à la confidence …
Et puis eux au moins, ils savaient ce que c’était que de faire une quête pour le chauffeur. Ce n’était pas comme les instits, par exemple, tous plus rapiats les uns que les autres, qui te récompensaient par un tout petit merci du bout des lèvres, pas du tout sonnant, ni même trébuchant… Comme je leur répondais : « des mercis, M’sieur, j’en ai déjà mon plein  grenier ».

Et bien, tu peux me croire, c’est vraiment des chics types, ces vieux garçons chargés de paroisses…
Tolérants, ils savent faire passer et dépasser les petits imprévus du voyage, ils savent intelligemment parler à leurs pèlerins, ils ne se foutent jamais de leurs gueules… Alors, avec autant d’exemplarité, si t’es pas foutu d’apprendre ton boulot, c’est vraiment que t’es indécrottable.

Pour en finir avec le clergé, parce que tu vas croire que j’ai loupé ma vocation… je vais te faire une confidence, ces types ils aiment autant leur église que j’aime mon car, ils aiment autant leurs oyes que j’aime mes clients… t’as qu’à voir, c’est pas peu dire ! Sauf que maintenant, si tu racontes ça comme ça, brut de décoffrage, tu passes carrément pour un imbécile heureux !

On continue? Vous n’en avez pas marre ? Faut l’dire, autrement…

Bon, et bien à compter de cette période ébouriffante de formation, ce beau métier m’a tant donné, et que le temps a passé si vite, que j’ai l’impression aujourd’hui de parler avec indiscrétion d’une histoire d’amour… Sans déconner : d’Amour… C’est comme si j’avais été amoureux pendant plusieurs décennies d’une personne vachement exigeante, qui m’aurait mené la vie dure, mais qui m’aurait procuré tous les plaisirs imaginables en retour.

C’est vrai, ça fait peut être un peu con de raconter qu’on a adoré son métier, quand c’est devenu la mode de dauber sur son patron, de faire des grimaces d’artiste au moindre souci et de maudire son gagne pain… Eh bien moi… Jérémie Richeplan, simple ouvrier, fier de l’être… j’avais décrété une bonne fois pour toutes que si je voulais être heureux et bien dans ma peau, il fallait que je me retrousse les manches et que je fasse ce qu’il faut pour devenir  bon… qu’est-ce que je dis, bon ? … indispensable !
Voilà, et c’est ce que j’ai essayé de faire et des mecs comme moi, tu peux me croire… modestes et tout… On n’en trouve plus !

Bref, dans le temps, on était vrai heureux avec notre clientèle et notre patron… Un bel autocar, des clients sympas, des voyages dans tous les coins de France et des environs… Des hôteliers, des restaurateurs qui nous déroulent le tapis rouge… Des accompagnatrices, des guides qui nous font des risettes sans qu’on soit obligé de leur gratter sous le menton… Tout ce beau monde qui nous observe du coin de l’œil en admirant notre conduite tout en douceur… Tu peux me croire, on pourrait aller jusqu’à dire que ça, c’est du grand art…

Jérémie Richeplan.

(A suivre)

Ps : j’ai relevé un article dans « La Quot. » du 3 juin où un non signataire du fluvial sur la Seine, genre bateau mouche, a vite fait mis en doute les qualités écologiques des autocars.  Objection votre Honneur, juste qu’en plus d’être propres les cars modernes, ils déversent leurs clients juste devant votre porte…

Jean-Pierre Michel.





    1 commentaire pour “Dévoués aux gens qui connaissent la valeur des choses et apprécient les valeurs qui n’ont pas de prix, Jérémie Richeplan, alias J.R. se déboutonne juste pour « La Quot. »

    1. J’ai passé les test et je donc admissible à la formation AFT. Je confirme une formation coûte plus de 6000€ pour 9 mois de formation et un CAP de chauffeur à la clé… A comparer aux écoles de commerce qui facturent environ 7000€ pour un an de formation à bac + 5…..
      Donc sauf à avoir le budget pour s’autofinancer, il reste les contrats pro mais le problème c’est qu’aucune entreprise (du moins dans la région PACA) ne veut s’engager sur un tel contrat contraignant pendant 9 mois alors qu’elles n’ont pas de visibilité à plus de 4 mois…
      D’ailleurs , la plus part des annonces de recrutement de chauffeurs voyageurs sont souvent en CDD, contrats saisonniers avec un forfait horaire de 180 heures comme j’en ai vu lors de mes recherches.
      Donc aucun retour sur investissement possible dans ces conditions d’embauches. Il faudrait que les postes soient plus pérenne mais on en revient toujours au même problème d’emplois lié à la crise.
      Que faire? rester au chômage? pourtant j’ai bien envie de travailler….

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