Transport aérien : Stop à l’écologie punitive
2 décembre 2024 Jean-Louis Baroux 2 commentaires À la une écologie, France, transport aérien 2902 vues
C’est une affaire entendue : la décarbonation totale du transport aérien en 2050 ne sera pas possible. En effet les quelques 14.000 appareils actuellement en commande, seront livrés entre 2025 et 2035 et ils ont une durée de vie d’au moins 30 ans. Or ils sont construits avec une technologie qui génère encore du CO² et la production de SAF (Sustainable Aviation Fuel) sera largement insuffisante pour assurer un transport aérien décarboné.
Est-ce une raison pour ne rien faire ? Certainement pas. Le secteur aérien a d’ailleurs pris le problème a bras le corps depuis au moins une bonne vingtaine d’années. Les appareils actuels sont beaucoup moins gourmands en carburant et en émanations sonores.
En dépit des cris d’orfraie de certains apôtres de l’écologie, le transport aérien ne les a pas attendus pour travailler sur cette question, ne serait-ce que parce que cela est rentable.
Moins les appareils consomment de carburant fossile et plus le secteur est profitable.
Seulement la révolution écologique ne se fera pas d’un coup de baguette magique. Il faudra consacrer plusieurs centaines de milliards de dollars à la recherche et celle-ci devra couvrir tout le spectre de cette activité.
Et d’abord la fabrication des moteurs, car c’est le facteur majeur de pollution.
Concevoir de nouveaux engins très peu consommateurs de carburant est une œuvre de longue haleine. Imaginer de nouveaux systèmes pour fournir une puissance suffisante au décollage d’appareils de 400 tonnes n’est pour l’instant pas envisageable tout au moins dans l’état de la recherche actuelle.
Et il faudra également gagner en décarbonation dans l’assemblage des appareils, mais aussi et c’est sans doute le premier progrès à faire dans le réaménagement de l’espace aérien afin de raccourcir les distances et par conséquent les temps de trajet.
Beaucoup reste à faire en la matière et on sait, au moins en Europe comment procéder avec la mise en opération de SESAR (Single European Sky ATM Research) autrement dit la gestion de l’espace aérien européen en un ensemble unique et non pas morcelé en 43 centres de contrôle comme c’est le cas maintenant.
Tout est prêt, il ne reste plus qu’à convaincre les états et les syndicats des contrôleurs aériens et c’est peut-être le plus difficile.
Bref, il faudra mettre de l’argent, beaucoup d’argent dans la recherche. Le sujet est enthousiasmant.
Créer une aviation décarbonée est formidable d’autant plus que le transport aérien est indispensable à la survie de la planète et à la prospérité des peuples.
Alors pourquoi faut-il qu’il subisse la vindicte des responsables politiques ?
Ces derniers, au moins dans certains pays européens dont la France au premier rang, mais c’est également le cas aux Pays-Bas, en Allemagne voire dans les pays nordiques s’acharnent à freiner les compagnies aériennes et lorsque cela n’est pas possible à taxer le secteur aérien au profit du transport terrestre, je pense essentiellement au transport ferré.
Croit-on sérieusement que subventionner le train en prenant de l’argent à l’avion soit la bonne solution pour amener le transport aérien à être décarboné ?
Comment peut-on raisonnablement détourner une taxe dite Chirac dont le but était de fournir les moyens pour vacciner les populations qui en ont dramatiquement besoin, au profit d’un budget général que plus personne ne semble pouvoir maîtriser ?
Quelle sorte de jalousie ou de démagogie pousse les députés pour taxer les utilisateurs de l’avion au prétexte qu’ils doivent bien pouvoir payer ?
Certes il faudra que les énormes besoins financiers nécessaires à la recherche soient payés par quelqu’un, et ce ne sera certainement pas les états qui auront toujours d’autres priorités.
Alors bien entendu ces centaines de milliards de dollars devront inévitablement être fournis par le transport aérien lui-même et d’abord par les consommateurs.
Mais tout le monde devra s’y mettre que ce soit les passagers, les constructeurs, les motoristes et même les aéroports.
Et au lieu de travailler en ordre dispersé il serait judicieux que la collecte d’argent soit centralisée auprès d’un organisme mondial, pourquoi pas l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale) qui pourrait fixer les grands axes de recherche et répartir les fonds nécessaires de manière équilibrée en ayant un seul but : la décarbonation du transport aérien planétaire.
Il faudrait écouter plus souvent Bertrand Piccard le fondateur et dirigeant de Solar Impulse. Il parle du futur sans blâmer le présent.
Il évoque de véritables sauts technologiques qui ne sont pas seulement l’amélioration des processus actuels mais bien de vraies innovations, ce qui signifie qu’on ne les connaît pas de nos jours.
Pour lui l’écologie n’est pas une contrainte mais un réel progrès qui ne peut s’atteindre en détruisant le présent.
Je l’imagine bien à la tête de l’énorme fonds d’investissement dont le souhaite ardemment la création.
Jean-Louis Baroux
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2 commentaires pour “Transport aérien : Stop à l’écologie punitive”
Que nous sommes en phase avec ce qui est écrit dans cette chronique ! La décarbonation passe par des solutions nécessairement de rupture. Mais, avant même d’envisager les financer, sait-on seulement encore reconnaître ces besoins de rupture sur notre continent ?
Aujourd’hui, en France en tous cas, on a rendu l’innovation entièrement dépendante de financements publics puisque le levier public est indispensable pour limiter le risque de l’argent privé. Lesquels, en se raréfiant, demandent un risque de plus en plus limité. Cela peut sembler logique pour de l’argent public, mais de fait cela favorise les innovations les plus légèrement incrémentales. Ce qui est donc un problème quand c’est l’argent public qui dirige les innovations financées ou non.
Ensuite oui, plutôt que de jouer toujours les uns contre les autres (à tous les niveaux, des régions aux continents en passant par les pays), les politiques devraient aussi faire primer l’intérêt général. Dernier exemple récent, quand on se rend compte que des régions préfèrent commander des produits chinois assemblés localement que des produits européens assemblés dans les régions frontalières, on ne semble pas en prendre le chemin. C’est encore une autre embûche à l’innovation en même temps, plus largement, qu’au nécessaire sursaut industriel…
L’approche de Bertrand Piccard a toujours été constructive. Mais les politiciens capables de les déployer, c’est comme les solutions inventives non encore existantes, on ne les a pas ou plus (et encore moins des femmes ou hommes d’Etat). Donc…on est mal partis.