IAG – La belle revanche des espagnols


Voilà un retournement de situation que personne n’aurait pu prédire lorsque le 08 avril 2010, British Airways et Iberia se réunissent pour former le groupe IAG. A cette époque British Airways avait depuis longtemps effectué un redressement spectaculaire et Iberia était dans une très mauvaise posture. Je n’aurais pas parié un euro sur le succès d’une telle opération. Il faut reconnaître que je me suis gravement trompé car à ce jour les résultats sont là.

Cela est à porter essentiellement au crédit des dirigeants et d’abord à celui de Willie Walsh. Celui-ci, après avoir brillamment redressé les comptes d’Aer Lingus dont il a pris les commandes en 2000 alors que la compagnie était moribonde, est arrivé à la tête de British Airways en 2005 pour prendre la suite de Rod Eddington qui avait déjà amplement commencé le redressement du transporteur britannique.

Rappelons si besoin en était que British Airways se trouvait en très mauvaise posture à l’aube du 21 ème siècle. Les Irlandais sont teigneux et Willie Walsh l’a bien montré en menant de manière inflexible une baisse des coûts drastique, allant jusqu’à une renégociation des accords salariaux avec les navigants ce qui lui a valu une grève très dure à laquelle il n’a rien cédé.

C’est ainsi qu’une fois redressée, la compagnie britannique a cherché une croissance de manière à faire pièce aux deux groupes européens qui venaient de se constituer : le groupe Lufthansa et Air France/KLM. L’un et l’autre avaient plusieurs années d’avance. Le choix aurait pu se porter sur une compagnie scandinave, SAS était à prendre, ou sur Alitalia, déjà mal en point. Il fut fait sur Iberia qui n’allait pas mieux à l’époque, mais dont le réseau transatlantique sud contrôlait le marché.

L’affaire a été suffisamment bien montée pour préserver les égos des uns et des autres. British a pris la majorité et le management du groupe dont le siège social a été positionné à Madrid. La cure d’amaigrissement d’Iberia a été sévère, les conflits sociaux redoutables, mais Willie Walsh n’a rien cédé. Et petit à petit la compagnie espagnole s’est redressée.

A tel point qu’elle a été en mesure de racheter Vueling une « low cost » dirigée de main de maître par Alex Cruz. Ce dernier a fait son parcours aux USA, chez American Airlines et Sabre, à l’époque le GDS dont elle était propriétaire. Par la suite il a mené d’importantes missions de consulting chez AD Little, et Accenture dont il était partenaire après avoir fait sa propre structure.

Ayant eu l’opportunité d’étudier à fond le fonctionnement les « low costs », il a créé alors Click Air en Espagne qui a fusionné avec Vueling.

On pensait qu’il ne résisterait pas au rachat de Vueling par Iberia. Erreur, il lui restait à poursuivre son parcours dans le groupe IAG qu’il venait de rejoindre.

Et en 2016, Willie Walsh l’a appelé aux commandes de British Airways. Première énorme revanche des espagnols, bien que la culture d’Alex Cruz soit plus américaine qu’ibérique.

Mais ce n’est pas tout. Alors que personne ne lui demandait rien, Willie Walsh décide de passer la main à la direction du groupe IAG. Et qui a-t-il choisi pour ce faire ? Luis Gallego, l’actuel PDG d’Iberia. Il est d’ailleurs très intéressant de voir le parcours de ce dernier.

Venu de l’armée de l’air espagnole, il a fait sa carrière dans le transport aérien chez les « petits » transporteurs : Aviaco, Air Nostrum, Click Air et Vueling, avant de prendre Iberia Express et de devenir le dirigeant d’Iberia en 2013.

En juin 2020, il pourra terminer son parcours sur la plus haute marche du groupe IAG. Ainsi à ce moment, IAG et ses plus grosses composantes seront dirigés par des espagnols. Voilà un retournement de situation pour le moins inattendu.

Il est intéressant de noter que tous les nouveaux patrons viennent d’une culture « low cost ».

C’est ce qui leur donne la légitimité et la méthode pour maintenir les coûts des transporteurs traditionnels à un niveau qui leur permet de dégager des profits tout en se positionnant devant n’importe que concurrent fut-il à bas coûts.

Ainsi depuis le début des opérations en janvier 2011, IAG toujours dégagé des profits à l’exception de 2012.

Les ratios sont tout simplement exceptionnels : le dernier exercice connu : 2018 a enregistré un résultat net de 2,897 milliards d’€ pour un chiffre d’affaires de 24,406 milliards d’€ soit un ratio de 12 %. Je connais beaucoup de transporteurs qui se contenteraient de la moitié.

Et maintenant que va faire Willie Walsh ? Il n’a que 58 ans et, semble-t-il, toujours autant d’énergie.

Lors d’un récent papier dans La Tribune, Fabrice Gliszczynski remarquait que son retrait du groupe IAG correspondait à la retraite de Tim Clark d’Emirates.

Le rapprochement n’est pas sot. Un nouveau challenge pour l’Irlandais ?

Jean-Louis Baroux





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