La compagnie d’Abu Dhabi Etihad Airways avait semblé en position de tout rafler dans le transport aérien mondial, pour faire la pièce à son homologue des Emirats qui pèse quand même quatre fois son chiffre d’affaires.
Cette situation a paru inacceptable aux autorités de la capitale de UAE (United Arab Emirates). Une simple capitale d’une province ne pouvait pas être plus forte que celle de l’Etat. C’est pourtant bien ce qui est arrivé et Dubaï est maintenant plus connue et courtisée qu’Abu Dhabi et cela est dû en grande partie à sa compagnie drapeau : Emirates.
[1]Alors Etihad s’est lancée dans une furieuse boulimie d’achats de compagnies aériennes, seule façon de faire grandir rapidement son bilan. Quoiqu’elle en dise, elle a été bien aidée par un énorme prêt consenti par la famille régnante d’Abu Dhabi, sans intérêts et remboursable à partir de 2025, si je ne m’abuse.
L’affaire pouvait avoir du sens à la condition d’avoir du flair quant aux achats effectués.
Pour mener à bien l’opération, les propriétaires ont fait appel à James Hogan dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a aucun état d’âme. Il a successivement servi, dans le désordre, Ansett, BMI, Gulf Air, Hertz, et j’en passe, avant de rejoindre Etihad en septembre 2006 en tant que CEO.
Bref, l’homme est expérimenté et manifestement capable de développer la compagnie à marche forcée.
Les annonces d’achats d’avions sont d’ailleurs à la hauteur des ambitions affichées : en 2008 la compagnie passe la plus grosse commande d’appareils jamais enregistrée puisqu’elle porte sur 205 machines pour une valeur de 43 milliards de dollars.
[2]Et la croissance ne s’arrête pas là. En 3 ans le groupe Etihad prend des participations fortement minoritaires dans pas moins de 8 transporteurs dont Alitalia, Air Berlin, Jet Airways ou Air Seychelles.
Et voilà bien le piège dans laquelle elle est tombée car elle s’est immédiatement affrontée à 3 écueils. D’abord les participations ont toutes été prises dans des transporteurs en grande difficulté qui avaient besoin non seulement de cash, mais d’un support financier capable d’assurer les fins de mois.
[3]Ensuite, pour des raisons qui tiennent aux réglementations étatiques, aucune de ces participations ne pouvait être majoritaire, de sorte qu‘Etihad est priée d’assurer les fins de mois sans pour cela pouvoir diriger les compagnies.
Enfin les participations ont été très disparates et il est pratiquement impossible de faire travailler ensemble des compagnies de cultures aussi différentes.
Ainsi il vaut mieux oublier d’éventuelles synergies.
L’affaire aurait pu durer si le cours du pétrole ne s’était brutalement retourné à partir de 2013. La manne financière déversée sur l’Emirat d’Abu Dhabi s’est vue du coup amputée de la moitié, ce qui a eu pour conséquences l’arrêt des sommes disponibles pour soutenir la stratégie de conquêtes extérieures. Il devient donc urgent de démonter le meccano. Mais ce n’est pas si simple.
Aer Lingus a pu être revendue au groupe IAG, mais la participation d’Etihad n’était que de 3 %. Pour le reste, il faut réaliser le désengagement et James Hogan n’était alors plus la personne idoine. Son remplacement est annoncé le 24 janvier de cette année pour devenir effectif en fin 2017.
On dit cependant qu’il aurait déjà quitté la compagnie, son intérim étant réalisé par Peter Baumgartner.
[4]Mais on voit une nouvelle personnalité arriver dans le jeu, même si rien n’est pour le moment confirmé. Il s’agit de Christoph Mueller. Ce dernier est toujours appelé lorsque les affaires vont plutôt mal. C’est ainsi qu’il a été amené à redresser Aer Lingus et qu’il a été appelé à prendre le commandement de Malaysian Airlines dans une période particulièrement difficile.
Il n’a manifestement pas réussi à imposer sa stratégie aux autorités du pays et en a tiré les conséquences et quittant sa position. Le voilà maintenant disponible pour un nouveau challenge qui s’annonce tout de même très délicat.
Une autre personnalité va également se retrouver en difficulté : c’est Bruno Matheu. L’ancien numéro 2 ou 3 d’Air France/KLM avait pris la présidence de la société créée par Etihad pour gérer ses participations dans les compagnies aériennes. Comment pourrait-il rester en place au moment où il s’agit de détricoter ce qu’il était amené à gérer ?
Bref, le groupe Etihad s’apprête à traverser une période particulièrement difficile juste au moment où les décisions prises par le nouveau Gouvernement Américain conduisent à une diminution sensible du trafic sur l’axe Golfe/USA.
Il faudra bien toute la sagacité des nouveaux dirigeants pour traverser cette passe sans trop de casse.
Jean-Louis Baroux