Transport aérien : pourquoi cette véritable descente aux enfers ?
3 décembre 2020 Jean-Louis Baroux 4 commentaires À la une Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation, Corsia, France, Giovanni Bisignani, IATA, Marc Rochet 5000 vues
Au moment où le transport aérien est violemment attaqué alors qu’il est en position de faiblesse, il n’est probablement pas inutile de rappeler quelques vérités qui se rapportent à l’économie, mais aussi à la relation entre les peuples et même à l’impact écologique.
Commençons par évoquer les 17 années passées. Pourquoi 17, c’est parce que le trafic aérien de 2020 est revenu au niveau de 2003, tout simplement avec 1,8 milliards de passagers contre 4,5 milliards en 2019. Cela fait tout de même une perte de 60 % qui se traduit également dans le chiffre d’affaires ramené à 368 milliards de $ contre plus de 850 milliards $ en 2019.
En dépit des mesures extrêmement dures prises par les dirigeants des compagnies qui ont mis au sol une énorme partie de leur flotte, ont reconverti la configuration de nombre d’appareils de passagers en cargo et procédé à de massifs licenciement, ce secteur d’activité va essuyer une perte sèche de 118 milliards de $ en 2020 et de 39 milliards de $ en 2021, selon les estimations de IATA. De quoi effacer au moins 30 années de résultats. Quel secteur d’activité a été autant impacté ?
Certes la pandémie est ce que l’on appelle un « Act of God », mais c’est surtout sa gestion avec la fermeture des frontières qui a entraîné ce désastre économique. Le temps n’est donc pas bienvenu de taper sur des entreprises déjà à terre, sans qu’elles aient eu une quelconque responsabilité sur ce qui leur arrive. C’est pourtant bien ce qui se passe.
En relisant les conclusions de la Convention Citoyenne, on peut tomber de sa chaise. Deux mesures phares sont à retenir : l’arrêt des lignes domestiques lorsqu’il y a une alternative en train en moins de 4 heures, et une très forte augmentation de l’écocontribution qui passerait grosso modo à 30 € par trajet en économique et à près de 400 € par trajet sur un Paris-New-York en classe affaires, par exemple.
A l’appui de cette demande les rédacteurs font remarquer que l’avion pollue 45 fois plus que le train sur un Paris-Marseille. Grands dieux, d’où tirent-ils une telle affirmation ? Où sont les détails du calcul ? Quelles sont les bases de travail ? Il ne suffit pas de claironner une affirmation pour en faire une vérité. Or c’est bien ce qui est en train de se passer et c’est tout simplement inadmissible.
Par ailleurs avec un trajet en TGV de 4 heures on couvre la quasi-totalité des dessertes domestiques à l’exception de Nice et de la côte Basque. Cela fait tout de même 8 heures de trajet aller-retour, soit une journée normale de travail. Les rédacteurs de la Convention Citoyenne ont-ils tenté l’expérience ?
J’ajoute que les rendez-vous d’affaires ne se font pas tous près des gares mais plutôt à proximité des aéroports.
Enfin il ne faudrait tout de même pas passer sous silence les efforts considérables faits par le transport aérien pour limiter les nuisances dont il est bien conscient et depuis longtemps. Les annonces ne datent pas d’hier mais du temps où Giovanni Bisignani (photo ci-contre) était à la tête de IATA c’est-à-dire il y a plus de 15 ans.
C’est lui qui a fixé comme objectif au transport aérien de neutraliser toutes ses émissions de CO² en 2050. Et les actions ont suivi.
En dépit d’une croissance fulgurante le pourcentage des émissions de CO² émise par le transport aérien diminue chaque année.
Les nouveaux appareils sont certes très onéreux pour les transporteurs, 100 millions de $ en moyenne, mais ils ont des performances écologiques inconnues jusqu’alors. La consommation par passager a baissé jusqu’à 3 litres de carburant pour 100 km. C’est moins qu’une voiture hybride avec une seule personne à bord.
Et ce n’est pas tout. L’OACI a lancé en 2016 le programme CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation), qui vise à compenser toutes les émissions qui dépasseraient le niveau de 2020.
Compte tenu de la situation actuelle, IATA a fait passer la référence à l’année 2019 et c’est bien compréhensible. Ce programme à base de volontariat a déjà réuni des opérateurs représentant 77 % du trafic et il sera obligatoire à partir de 2026.
Certes il y a encore des défauts et des trous dans la raquette, mais quel autre secteur d’activité en a fait autant ?
Alors il faut arrêter de taper sur la tête du secteur le plus vertueux. Au lieu de tenter de le réduire par les moyens administratifs, les responsables politiques feraient mieux de le soutenir.
Et comme le dit fort justement Marc Rochet, ce n’est pas uniquement en distribuant un peu d’argent pour maintenir les compagnies en survie, mais d’abord en leur enlevant les obstacles administratifs auxquels elles doivent faire face, particulièrement en France.
Si les habitants de notre planète se connaissent mieux, s’ils ont créé un surcroit de richesses dont personne ne pouvait rêver, si les familles peuvent se rencontrer facilement, si en fait la conséquence première est la paix, c’est au transport aérien qu’on le doit pour l’essentiel.
Même les écologistes les plus ardents ont soif de liberté. Alors qu’ils laissent le transport aérien l’apporter partout dans le monde.
Jean-Louis Baroux
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4 commentaires pour “Transport aérien : pourquoi cette véritable descente aux enfers ?”
Vient de sortir en octobre 2020 le rapport de l’étude pilotée par l’Acnusa et confiée à l’Université Gustave Eiffel, Debats, le premier programme de recherche d’ampleur, en France, dont l’objectif est d’évaluer les effets éventuels de l’exposition au bruit des avions sur la santé des riverains d’aéroports. Ce programme est mis en place aux abords de trois aéroports français (ParisCharles-de-Gaulle, Lyon-Saint-Exupéry et Toulouse-Blagnac). Il associe trois approches méthodologiques complémentaires (écologique, individuelle longitudinale et « clinique »). Chacune prend en compte tous les facteurs de confusion connus ou suspectés.
L’étude écologique suggère qu’une augmentation de l’exposition au bruit des avions de 10 dB(A) [NDLR : tout-à-fait habituel au passage d’un avion à plusieurs dizaines de kilomètres des aéroports] est associée à un risque de mortalité plus élevé de 18 % pour l’ensemble des maladies cardiovasculaires, de 24 % pour les seules maladies cardiaques ischémiques [NDLR : athérosclérose notamment] et de 28 % pour les seuls infarctus du myocarde. En revanche, il n’a pas été mis en évidence d’association avec la mortalité par accident vasculaire cérébral (AVC).
-L’étude individuelle longitudinale suggère plusieurs associations avec une augmentation du niveau de bruit de 10 dB(A) :
un risque de « dégradation de l’état de santé perçu » augmenté de 55 % chez les hommes, sans qu’aucune augmentation ne soit mise en évidence chez les femmes
une « gêne » plus importante que ce que prévoit l’ancienne courbe de référence de l’Union Européenne
un risque de dormir moins de six heures par nuit augmenté de 60 %, et un risque de sentiment de fatigue le matin au réveil de 20 %
un risque de stress chronique, objectivé par une perturbation du rythme circadien du cortisol
un risque d’hypertension artérielle augmenté de 34 % chez les hommes, sans qu’aucune augmentation ne soit mise en évidence chez les femmes
un risque de détresse psychologique augmenté de 80 % chez les participants légèrement gênés par le bruit des avions et multiplié par quatre chez ceux qui déclarent être fortement gênés.
-L’étude clinique suggère que l’exposition au bruit des avions dégrade les paramètres du sommeil :
l’augmentation du niveau de bruit des avions de 10 dB(A) ou de 10 événements de bruits d’avions est associée à une probabilité de dormir moins de six heures par nuit (court sommeil), 1,1 à 1,8 fois plus élevée ; et à une probabilité, de passer plus de neuf heures au lit, 1,1 à 1,6 fois plus élevée ;
l’augmentation du niveau de bruit des avions de 10 dB(A) est associée à la probabilité d’un retard d’endormissement supérieur à trente minutes, 1,1 à 1,3 plus élevée ;
l’augmentation de 10 événements de bruits d’avions est associée à une probabilité d’une insomnie de maintien de sommeil, 1,1 à 1,3 fois plus élevée ;
l’augmentation de 10 dB(A) du niveau maximum de bruit d’un évènement associé au passage d’un avion (LAmax,1s) est associée à une augmentation de l’amplitude de la fréquence cardiaque pendant cet événement.
En conclusion : moins d’avions au dessus de la tête des riverains et des populations survolées, et surtout la nuit c’est l’assurance d’une meilleure santé
Excellente analyse ! Merci de défendre ce secteur pour lequel j’ai travaillé pendant plus de 40 ans et de voir la situation désolante aujourd’hui me met en colère. Les professions du tourisme en général ne sont pas considérées dans le secteur économique .
du réalisme ! c’est bien ce qui manque à nos politiques uniquement focalisés vers leur propre élection avec le court terme en ligne de mire. Merci Mr Baroux.
Bonjour vous parlez de huit heures de trajet en train, une journée de travail, mais ne travaille-t-on pas mieux dans un train avec wifi? Et puis le déplacement à l‘aéroport dans un train dégoûtant et mal fréquenté et onéreux de surcroît on en parle? (cf RER pour CDG qui doit nous faire honte pour tous les touristes qui l’empruntent…prenez un avion allez voir au Japon, à Hong-Kong ou ailleurs…) Et après de l‘aeroportau Centre ville… Et les temps d‘attente à l‘aéroport… bref on défend l‘indéfendable non?