Comme le faisait récemment remarquer Alexandre de Juniac le presqu’ex patron de IATA, il a été très facile aux Etats pour fermer le transport aérien. Il suffisait de l’interdire sur leur territoire respectif. Cela a été fait très rapidement avec un effet domino parti de la Chine et de l’Asie du Sud Est. Mais faire renaître le trafic est infiniment plus difficile.
Les pays doivent s’entendre pour ouvrir simultanément leurs frontières et accepter les règles sanitaires imposées par les autres Etats. C’est un exercice infiniment plus complexe, on le voit bien au moment où la vaccination commence à porter ses effets. Facile à détruire, très difficile à reconstruire.
Mais quel que soit le temps que cela prendra, le transport aérien va renaître de ses cendres. Il en sortira plus fort qu’il n’est entré dans le chaos. Reconnaissons tout d’abord que la course effrénée au volume de passagers et au nombre d’avions allait tout simplement dans le mur, même si les acteurs ne voulaient pas le voir. La croissance annuelle de 5 % à laquelle on était habitués était tout simplement intenable.
Au début de l’ère moderne du secteur, c’est-à-dire en 1970, 5 % d’augmentation représentait 500.000 passagers par an, mais en 2019 le volume de croissance était passé à 225.000.000 de passagers, et pourquoi cela se serait-il arrêté ? Le mur était devant le transport aérien et les acteurs se voilaient les yeux. Le choc a été d’autant plus rude.
La traversée de la tempête a amené les responsables à s’adapter pour survivre et cette adaptation aura certainement des effets bénéfiques pour le futur.
La prise de conscience de la composante écologique est majeure. Oh certes, depuis des années la construction aéronautique a fait de considérables progrès en la matière, à tel point que même avec un taux de croissance considérable, le transport aérien a diminué régulièrement la part de son empreinte carbone. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les films des années 1970 où les avions faisaient d’énormes trainées et de les comparer aux appareils actuels.
Mais ce n’est pas tout. Alors que la plupart des experts se refusaient à imaginer un avion de transport à propulsion électrique, il semble bien que cette nouveauté devienne une réalité avant la fin de la présente décennie.
La compagnie norvégienne Wideroe s’est associée à Rolls Royce et au petit constructeur italien Tecnam pour développer un appareil court courrier tout électrique. Certes la distance moyenne des lignes de la compagnie n’est que de 275 km ce qui rend pertinente une propulsion électrique, mais pourquoi s’arrêter là ? Dans un futur proche, Airbus qui travaille à fond le sujet écologique ne va-t-il pas trouver de nouvelles solutions adaptables à un trafic plus important ?
Reste que la pression des écologistes fanatiques devient insupportable. Je n’en veux pour preuve que l’agression de Greenpeace dont une équipe est venue peinturlurer en vert un Boeing 747 d’Air France, le tout en se faisant complaisamment prendre en photo. Trop, c’est trop. Il faut arrêter ces gens-là avant qu’ils n’imposent leur diktat.
Pour traverser cette période, les transporteurs ont, hélas, dû licencier massivement. Certains l’ont fait brutalement, c’est le cas des américains à tel point que le Gouvernement Fédéral a été amené à octroyer des aides massives pour éviter le carnage, d’autres comme les européens ont eu des pratiques plus souples, et c’est tant mieux. Lorsque le trafic repartira les compagnies auront considérablement diminué leurs coûts de fonctionnement. On peut alors penser qu’elles atteindront des coefficients de remplissage d’équilibre bien inférieurs aux quelques 80 % nécessaires jusqu’alors.
Reste à espérer qu’elles ne retomberont pas dans la stupide course aux prix bradés qui certes a permis à de nouvelles couches de clientèle de voyager mais dont on a vu les effets pervers.
Un seul gros bémol à cette réflexion : comment les transporteurs vont-ils pouvoir rembourser les prêts colossaux que les Etats leur ont consentis ? Plus les compagnies sont importantes et plus les prêts sont énormes et plus les Etats ont été amenés à s’investir.
Dès lors on se dirige tout droit vers une nationalisation rampante du transport aérien, y compris aux Etats Unis où le Gouvernement Fédéral a exigé son entrée au capital en échange des facilités de trésorerie.
Il ne serait alors pas surprenant que les grands groupes multinationaux soient amenés à éclater chaque pays refusant de payer pour le voisin. Mais cela ne serait-il pas au fond une excellente nouvelle ?
Tous les experts sont d’accord pour prédire que le transport aérien futur sera soumis à de grands bouleversements. On devrait être fixé dans peu de temps.
Jean-Louis Baroux