L’épidémie du Covid-19 – tel est le nom donné à ce coronavirus – n’est pas un épiphénomène qu’il faut prendre à la légère. Même si le risque d’une pandémie en France et en Europe est relativement faible. Ce n’est pas la grippe hivernale dont beaucoup mettent en avant, ce qui est vrai, qu’elle induit un plus grand nombre de décès chaque année (taux 0,1 %). D’autres ont fait remarquer dès le début que le taux de mortalité du Sras en 2003 était beaucoup plus élevé (environ 10 %). Mais à la différence du Sras, le Covid-19 qui a actuellement un taux létal de 0,2 % (le double de la grippe), se propage beaucoup plus facilement et sa période d’incubation est plus longue, 12 jours.
Retour sur cette pandémie en Chine
Début décembre, à Wuhan région d’Hubeï Li Wenliang, un jeune médecin de 34 titre la sonnette d’alarme sur les premiers cas de ce nouveau coronavirus. Réaction immédiate des responsables politiques chinois, il est embastillé pour diffusion de fausses rumeurs. Ayant été exposé de près par ses patients, il a lui même contracté le virus et en meurt le 7 février. Les réseaux sociaux chinois malgré une censure omniprésente ont réussi à lui donner un statut de héros national.
Fin décembre, devant la réalité de cette épidémie, le gouvernement chinois informe officiellement l’OMS de l’apparition de ce nouveau coronavirus. Xi Jinping, le tout puissant Président chinois pour montrer la dangerosité de ce virus l’appellera le « démon ». Car au delà du désastre humain immédiat, la Chine va devoir faire face à une importante chute de son PIB actuellement estimée à 2 %.
Le 22 janvier la Chine annonce 9 morts et 500 cas de contamination. Des cas isolés sont signalés en Thaïlande, à Taiwan, en Corée du Sud et un premier cas aux USA.
Le 24 janvier on compte 27 morts et 830 cas en Chine. Le gouvernement chinois prend des dispositions drastiques avec l’instauration d’une quarantaine totale sur la ville de Wuhan et de ses environs. Plus de 40 millions d’habitants doivent se cloîtrer à leurs domiciles. Dans la foulée toutes les fêtes du Nouvel An Chinois (qui cette année tombe le 25 janvier) sont annulées sur toute la Chine.
Les grands sites touristiques, Muraille de Chine et Cité interdite entre autres, sont fermés, interdiction des voyages de groupes en Chine et à l’étranger, fermeture des casinos à Macau…
Jeudi dernier, le 13 février, la Chine confirme 1.355 décès et 60.000 contaminés, et samedi on compte en deux jours 168 morts supplémentaires et 6.000 malades supplémentaires. Et parmi ces 66.000 malades il a été comptabilisé plus de 1700 membres du personnel médical qui à priori devaient se protéger soigneusement.
Et maintenant, avec la fin des vacances qui ont été largement prolongées, des millions de chinois qui étaient partis visiter leurs familles vont rentrer dans les grandes métropoles chinoises. On estime que plus de 230 millions de trajets intérieurs sont liés à cette fête du Nouvel An. Les consignes du gouvernement prévoient que ceux qui rentrent à Pékin en particulier doivent s’organiser pour se mettre en quarantaine par eux-mêmes à leurs domiciles pour 14 jours! Le télé-travail est fortement suggéré, mais ce n’est pas cela qui fera tourner les usines et les commerces. De nombreuses villes chinoises ressemblent un peu à des villes mortes.
L’économie chinoise va souffrir de cette baisse de production, mais ce choc risque de se répandre dans le monde car de nombreuses entreprises en Europe et ailleurs sont tributaires d’éléments produits dans des usines chinoises et ne disposent pas forcément se stocks suffisants dans la durée si la situation reste précaire.
Du côté de la France et de l’Europe
En France, comme d’habitude, la première réaction officielle est comme toujours d’emballer la nouvelle à la manière de » Le nuage de Tchernobyl s’est arrêté à la frontière ! ».
La première communication d’Agnès Buzyn a été de dire qu’il y avait quasiment aucune chance que le coronavirus atteigne la France… et moins de 24 h après, la France avait les 3 premiers cas européens.
Depuis la Ministre a mis en peu plus de réalisme dans ses messages et le système de prévention et d’alerte fonctionne bien, comme on a pu le voir aux Contamines. Effectivement La France et l’Europe semblent, grâce à leurs systèmes d’alerte médicale, relativement à l’abri de cette épidémie, mais il ne faut pas baisser la garde. Le gouvernement anglais, qui considère ses concitoyens comme des adultes n’hésite pas à annoncer que le coronavirus est une urgence médicale nationale.
Quand est-il du tourisme et de son économie ?
Bien évidemment, tous les acteurs qui ont des activités directes avec la Chine sont en train de souffrir. Le Club Med a fermé 6 de ses 7 villages en Chine. Les T.O. spécialisés sur la destination doivent revoir leur production en urgence, sans parler du manque à gagner immédiat.
La suspension au moins jusqu’au 29 mars de tous les vols d’Air France et KLM vers la Chine représente une grosse perte de chiffre d’affaires.
Les touristes chinois qui venaient visiter l’hexagone apportaient une manne importante non seulement auprès des hôteliers et autres réceptifs, mais ils étaient parmi les plus dépensiers en terme d’achats, ramenant de nombreux produits de luxe, au point que les Galeries Lafayette ont même dédié à Paris tout un bâtiment uniquement pour sa clientèle asiatique.
Toutes les grandes compagnies aériennes mondiales qui ont dû arrêter leurs liaisons vers la Chine seront impactés, mais certaines plus que d’autres. Cathay Pacific qui a été obligé de suspendre ses vols vers Londres-Gatwick, Rome et Washington entre autres, a dû prendre des mesures drastiques pour survivre: 27.000 de ses employés ont été mis en congés d’office sans salaire pour un minimum de trois semaines !
Les grandes compagnies de croisière ont été amenées à modifier tous les programmes de leurs navires croisant en Asie avec annulation de toutes les escales en Chine y compris à Hong Kong et à Macau.
Certaines se heurtent à des refus d’accoster dans d’autres pays voisins alors qu’il n’y a aucun cas signalé à bord. Pour ces compagnies, les pertes induites, même si elles ne sont pas négligeables, sont supportables. Par contre, même si elles s’en défendent vigoureusement (la réponse est toujours la même : il n’y a aucun problème sur les réservations) il est à craindre que l’image du tourisme de croisière ait été un peu altérée.
Et cela bien que tout le monde ait pu constater que la sécurité sanitaire à bord des navires de croisière est de très grande qualité et que les navires et leurs équipages savent réagir à la moindre alerte avec une réelle efficacité.
Malheureusement, c’est le coronavirus qui pose problème. Le Diamond Princess avec ses 3711 passagers et membres d’équipage a été mis en quarantaine le 31 janvier dans le port de Yokohama dès qu’on a su qu’un de ses passagers chinois descendu le 25 janvier à Hong Kong était contaminé.
Le 5 février un premier passager à bord était diagnostiqué positif au virus. Tous les passagers ont été strictement consignés dans leurs cabines où ils doivent même prendre leurs repas.
Malgré l’absence de contact entre eux, le 10 février on comptait 130 contaminés et hier (le 16 février) leur nombre grimpait à 355. Cette prolifération rapide malgré toutes les précautions fait penser à certains experts que la contamination pourrait se propager par le système d’aération et de ventilation. Et pourtant la compagnie confirme que le système de ventilation est parfaitement aux dernières normes sanitaires. Mais il est à craindre que le coronavirus se joue des normes en vigueur et arrive à passer au travers des filtres.
Il faut rendre justice à l’équipage du Diamond Princess qui dans ces circonstances exceptionnelles arrive à fournir aux 2.000 passagers confinés dans leurs cabines une alimentation variée avec un certain choix de plats et en respectant les horaires de repas. Et même s’ils seront tous intégralement remboursés comme annoncé par la compagnie, il n’est pas sûr que tous choisiront une croisière pour leurs prochaines vacances.
Et pour la suite ?
La grande inconnue c’est l’évolution de l’épidémie. La Chine va-t-elle pouvoir contenir la propagation? Tous les experts espèrent que comme les précédents coronavirus, celui-ci ne durera pas jusqu’à l’été car ces virus comme ceux de la grippe semblent ne se propager que pendant la saison hivernale.
Cependant le risque majeur est qu’un foyer se développe incognito dans un pays ne disposant pas forcément d’un système médical adapté, et que se reproduise le cycle qui a débuté à Wuhan. De nombreux pays africains émergents entretiennent d’importants liens économiques avec la Chine qui y construit de grosses infrastructures (ports, routes, chemins de fer…) avec un apport important de main d’œuvre chinoise, ce qui peut faire craindre une arrivée du virus. En Asie, le grand nombre de touristes chinois, est aussi un facteur de risque. Une émergence du virus sur une autre destination verrait aussitôt celle-ci se fermer au tourisme.
C’est pourquoi la réaction du Vietnam a été immédiate, un petit foyer de 6 cas a été détecté et aussitôt la région concernée et ses 10.000 habitants ont été immédiatement mis en stricte quarantaine.
Autre conséquence de cette crise du coronavirus, espagnole cette fois-ci, le Congrès Mondial du Mobile WMC qui réunit l’élite de la téléphonie mondiale avec plus de 110.000 visiteurs professionnels et qui devait se tenir à Barcelone du 24 au 27 février vient d’être brutalement annulé. Les conséquences financières sont immenses pour les organisateurs et surtout pour la ville et ses hôteliers.
De son côté ITB Berlin, le plus grand salon du tourisme d’Europe se tiendra bien du 3 au 8 mars prochain (La Quotidienne y sera bien évidemment). Par contre il n’est pas vraiment évident que son pendant chinois le salon ITB Chine puisse se tenir à Shanghai du 13 au 15 mai prochain.
Frédéric de Poligny