Tourisme en France : Un livre blanc pour tourner la page ?


Décidément, les débats de fond ne manquent pas ces temps-ci. Le rapport Terrasse fait beaucoup parler de lui ; le Livre Blanc intitulé «Pour le tourisme en France» a nettement moins d’écho. Je trouve ça curieux. Pourtant, à bien lire l’ouvrage publié récemment par l’Alliance 46.2, l’association crée fin 2014 par Frédéric Pierret et 21 grandes entreprises directement liées au tourisme, comme Accorhotels, Paris City Vision, la SNCF ou Disney, la BNP, la Compagnie des Alpes et l’APST, on ne peut qu’aller dans son sens, et au pas de charge, s’il vous plait !

bertrand FiguierSécurité, formation, investissement, fiscalité, emploi, droit du travail, engagement des autorités politiques, locales ou nationales, encadrement de l’économie collaborative… tout y est abordé, très simplement, sans détours, et personne ne peut douter que l’ensemble de ces thèmes ne recouvre pas les enjeux colossaux du tourisme français.

On voit resurgir bien sûr, ça et là, des débats anciens, comme les transports en commun, l’accès aux aéroports et le travail dominical. D’autres sont plus récents qui arrivent, soit avec les nouvelles technologies, soit en conséquence des politiques économiques et sociales que la France conduit peu ou prou depuis plusieurs décennies.

Il n’empêche qu’on ne peut pas nier que ces entreprises aient la ferme intention de peser sur le débat public et surtout d’influencer enfin significativement les orientations du gouvernement.

Tous ces acteurs du tourisme veulent enfin voir s’élaborer «une stratégie d’ampleur nationale» et réclament « d’urgence » aux autorités une vision globale susceptible d’arrêter le déclassement progressif de la France dans la compétition internationale.

Mais au delà des propositions de bon sens que le Livre Blanc égrène avec pertinence et limpidité, j’ai au moins deux interrogations :

Pourquoi, par exemple, France Stratégie, qui remplace le bon vieux Commissariat Général du Plan n’a pas encore jugé bon d’adhérer à cette association ?

Le tourisme est un secteur transversal, il engage tout à la fois l’aménagement du territoire, les moyens de communication, transport et digitaux, l’alimentation, les infrastructures sanitaires, la sécurité… et requiert souvent une vison générale assez solide pour discerner, justifier et permettre des investissements nécessairement à long terme.

Comment se fait-il qu’un tel organisme, dont la mission et le bien fondé résident justement dans ce genre de travaux prospectifs, n’est-il pas dans la partie ?

Voilà pourtant une belle occasion pour lui de travailler sur un terrain concret, pour une urgence absolue et dans un bel élan partenarial public/privé.

Ma seconde interrogation est plus profonde.

L’association a mis en place 4 groupes de travail : accueil, promotion, emploi/formation et investissement. On comprend aisément ce choix.

Toutefois, la compétition que nous livre toutes les destinations du monde ne se réduit pas à des questions de promotion, d’accueil, de tarif ou de marketing. Elle me semble aussi porter sur la nature de l’offre touristique.

Dans un monde qui se standardise à grande vitesse, où tout le monde écoute la même musique, s’habille et consomme de la même façon et où surtout l’anglais est la langue médiane, l’avantage compétitif va aux enseignes américaines et/ou anglo-saxonnes, ainsi aux comportements de leurs consommateurs.

Comment se différencier ?

C’est pour moi la question à laquelle il faut d’abord répondre, et très vite, pour travailler sur la longue durée et bâtir notre tourisme de demain. Elle en entraine bien d’autres : quels types de séjour, quelles relations avec les habitants, quelle filière pour la consommation et la notoriété de nos « produits du terroir »… ?

Vient-on en France, juste pour visiter de beaux monuments, voir de beaux paysages, de belles plages ? Vient-on chez nous pour loger dans de beaux hôtels, sortir dans des endroits branchés, dans les restaurants les meilleurs mais aux saveurs adaptés aux plus grand nombre ?

Vient-on en France pour « s’éclater » comme à Barcelone, à San Francisco, à Hong Kong ou à Bali ?

Pourquoi ai-je ce sentiment que nos visiteurs étrangers sont déçus en quittant la France ? Pourquoi, par exemple, les Chinois tombent-ils parfois dans la déprime en nous quittant ?

Moins parce que l’insécurité, ou le mauvaise accueil de nos taxis et de garçon de café ont refroidi leur enthousiasme… mais surtout parce qu’ils ne retrouvent plus le Paris de Piaf, la Provence de Giono, le Berry de Sand, la plage de Sète sur laquelle Brassens nous a arraché des larmes.

Nos amis de tous les pays nous connaissent et rêvent de nous, de nos régions et de nos différents « pays », en puissant à la source de notre littérature, de nos poètes, de nos peintres, de notre histoire toute entière.

Il ne s’agit pas de nostalgie. Il s’agit de positionnement, de différenciation.

Allez déjeuner chez Germaine, à Aubrac, là vous aurez encore du dialogue à la Audiard et vous verrez les yeux étonnés des clients venus du bout du monde.

Des exemples comme celui-là, il y en a partout en France… Il faut s’en inspirer !

C’est ce positionnement qu’il faut rebâtir, cette différence qu’il faut retrouver, ce rêve qu’il faut redonner.

Après nous verrons comment « optimiser »…

Sinon, nous serons toujours trop cher par rapport à nos concurrents.

Et si les pays de Simbad sont des rivaux moins dangereux en ce moment, d’autres, celui de Clint Eastwood par exemple, celui de Sherlok Holmes ou de Mowgli, resteront la mire universelle.

Les gens préférant souvent l’original à la copie, le Livre Blanc aura été lettre morte.

Bertrand Figuier





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