Starts-up du tourisme, qui partage quoi ?


bertrand FiguierQuel bel été ! Ce qui me frappe le plus dans cette rentrée, ce n’est pas le succès de la France et la bonne saison de nos compatriotes professionnels du tourisme d’accueil.

Le résultat global, soit une hausse significative de la fréquentation, domestique et étrangère, mais un tassement, voire une baisse, de la recette unitaire, était largement prévisible avec le chaos économique, géopolitique et humain, qui s’installe partout à travers le monde.

Ce n’est pas non plus les grandes manœuvres autour de FRAM ; après la reprise du Club Med, l’éventualité d’une prise de contrôle du TO toulousain par un acteur « international » était une question de date et, à défaut d’être une surprise, elle est surtout révélatrice de l’état financier des vaisseaux amiraux du tourisme français…

Heureusement que le tourisme est une grande cause nationale pour notre gouvernement !

D’ailleurs, à propos de nos autorités politiques, ce n’est pas non plus une surprise d’apprendre que, cette année, IFTM Top Résa n’accueillera aucun ministre, aucun secrétaire d’état : 7 % du PIB ? « Pas assez cher mon fils !! »

Non, ce qui me surprend vraiment, c’est le développement frénétique des « start-up » dans le secteur du tourisme. Il en naît tous les jours…

Celle-ci pour louer ou vendre ses affaires de vacances au plus vite après son retour ; celle-là pour dégotter un déjeuner chez l’habitant ou pour trouver un compagnon de voyage qui partage la même passion que vous pour la « varappe » ou la chasse aux papillons…

Il y en a pour tous les goûts. Elles fournissent du contenu, des services en tous genres, qui répondent aux besoins des clients comme des professionnels. Bref, elles décortiquent les vacances et les loisirs pour mettre en relation l’offre et la demande, au poil près comme on dit. C’est ce que l’on appelle l’économie de partage, ou l’économie collaborative.

C’est super ; en soi, c’est vraiment super. La technologie le permet et ça prouve l’esprit d’entreprise des générations montantes. Sourire à tous les étages…

Pourtant, mauvais coucheur ou vieux crouton qui s’ignore, j’éprouve un curieux sentiment, une sorte de crainte.

Toutes ces entreprises, dites de la nouvelle économie, ne sont que des plateformes, des hubs, facile à déménager, à restructurer, à fermer même, si nécessaire. Des entreprises « liquides » en quelque sorte, les petites sœurs surdouées des entreprises « sans usine » si chères à Alain Minc il y a 20 ans de Grosses consommatrices de capitaux pour leur système informatique, leur principal coût fixe, elles disposent en même temps d’une matière première abondante et quasi gratuite.

Et pour cause, ce sont les utilisateurs, vendeurs et/ou acheteurs selon l’opportunité, qui la lui procurent de bonne grâce en échange de cette fameuse « mise en relation » sans frais.

Un régal pour les investisseurs, le paradis presque. Regardez la valorisation boursière des Airbnb, Uber, Google et consorts…

Quant à leurs moyens de production, les chambres, les voitures ou les yachts et autres outils toujours aussi nécessaires pour fabriquer le contenu du produit ou du service mis en vente, ils sont complètement externalisés.

Plus besoin de les délocaliser pour en réduire le coût, tout est pris en charge par le client lui-même : ses assurances personnelles, l’entretien de ses propres biens matériels, fiscalité immobilière, automobile, etc…

Le tout pour un revenu précaire et si maigre, vu le temps de travail et l’investissement financier qu’il y faut consacrer, que le SMIC ferait carrément figure de salaire patronal.

Voici notre visiteur/utilisateur promu fournisseur sans contrat et concurrent des collègues comme des professionnels ; le voilà aussi auto-entrepreneur, chargé de faire son propre « benchmarking », sa propre politique commerciale, sa propre comptabilité aussi, s’il fait ça sérieusement…

Après la taxe de séjour, il aura bientôt la TVA sur le dos puis tout l’arsenal fiscal qui réjouit tant les entreprises françaises. Travailler plus pour gagner plus : c’est à lui de voir…

De leur côté, ces « start-up » collaboratives déclenchent à leur profit une chaîne de recettes assez impressionnante : fichiers qualifiés des visiteurs, publicités sur leur site et/ou publicités virales extrêmement ciblées, commission sur le revenu perçu par les « visiteurs » utilisateurs/travailleurs et nous en oublions sûrement beaucoup… les comptables et les directeurs commerciaux pourront compléter à leur aise.

Cette belle économie qui partage tout sauf le revenu me pose quand même des questions.

Par exemple : est-elle à un moyen de créer plus de richesse, ou plutôt la voie la plus discrète pour rendre le travail encore plus précaire ?

Ou celle-ci aussi : si un incendie mortel se déclenche dans un hébergement Airbnb, si un accident fatal arrive à une voiture Uber Pop, qui est responsable ?

Quelle assurance prendra en charge les indemnités potentielles ? Celle du visiteur/utilisateur/travailleur ou celle de l’entreprise ?

Encore un peu de partage peut-être ?

Si j’avais une réponse ferme et clair à ces questions, je pourrai sans doute « crier ma joie » plus franchement devant des modèles économiques aussi géniaux.

Bertrand Figuier





    4 commentaires pour “Starts-up du tourisme, qui partage quoi ?

    1. Merci de dire et d’analyser tout haut ce qu’on ne pense pas tout bas mais qu’on y pense quotidiennement!
      Effectivement, tu as bien répondu: la réponse est politique et n’est plus économique. Mais est-ce que nos politiques sont assez attentifs et réactifs aux tendances, ou ils parent déjà aux plus urgents?
      Les cartes sont effacées, mais on n’a pas encore pu mettre en place un nouveau modèle. Idem pour la société.

    2. Bonjour

      Je ne suis qu’une simple vendeuse (salariée) en agence , mais depuis quelques années ,il me semble que le jeu commercial est faussé.
      Concernant les frais de vente en agence nous sommes restés sur les lois du marché à l’époque d’un seul canal de vente : loyers élevés , assurances , TVA ….

      Vente sur le net : peu de charges salariales , pas de loyer commercial , etc….

      Pourquoi ne pas réduire les différences de charges en créant par exemple une TVA spéciale NET . Chaque vente sur le net devrait être taxée de 1 ou 2% et ainsi on pourrait ,par exemple, baisser les charges salariales pour les courageux qui créent de l’emploi.
      On invente de nouvelles technologies , de nouvelles méthodes de ventes sans faire évoluer ce qui existait . J’ai l’impression que la solution actuelle , c’est réduire la masse salariale des agences , pourquoi ne pas réduire les autres charges : loyers , charges salariales etc….et enfin taxer les ventes sur les net qui ne participent en rien à une économie SOCIALE.

      • Chère Madame,
        Merci pour votre commentaire. Vous posez une excellente question. Hélas, la réponse me semble plus politique qu’économique. Veut-on vraiment en haut lieu, d’une « économie sociale » ?
        Avec mes respectueux sentiments.

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