Essayons un exercice de politique fiction. Nous sommes fin janvier 2020. La Chine vient de dévoiler une attaque par un virus inconnu appelé la Covid-19 dont l’origine serait dans la ville de Wuhan. Le pays a pris la décision de fermer ses frontières.
Les grands organismes internationaux dont deux sont une émanation de l’ONU : l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), dont le siège est en Suisse à Prégny-Chambésy tout à côté de Genève, le long du lac, l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale) installée Place Victoria à Montréal, l’IATA (International Air Transport Association) dont les activités sont réparties entre la Suisse et le Canada, à côté de l’OACI, et l’ACI (Airport Council International) situé aussi à Montréal, se réunissent en urgence au siège de l’OMS, pour décider des mesures à prendre, car les premiers signes de fermeture des frontières par les états à commencer par la Thaïlande, deviennent très perceptibles.
Les dirigeants de ces trois organismes décident de ne pas se quitter avant d’avoir défini une réponse mondiale à la menace pandémique et d’avoir détaillé les mesures d’application. La réunion dure plusieurs jours. Il faut dire que le sujet est tout sauf simple et que l’on ne connaît que très peu les effets de la Covid-19.
Mais finalement les décisionnaires en matière de santé et de transport aérien arrêtent un certain nombre de règles. D’abord en l’absence de connaissances suffisantes, un arrêt des opérations aéronautiques internationales est décidé jusqu’à ce qu’une batterie de tests validée par l’OMS soit rendue opérationnelle et disponible dans tous les aéroports.
Il est ensuite décidé de mobiliser toutes les capacités de production mondiales, coordonnées par l’OMS, pour disposer dans les plus brefs délais d’un stock de masques et de tests.
Les uns et les autres s’entendent pour définir les tests en sachant que les premiers seront imparfaits quant à leur rapidité d’analyse.
A partir de ces décisions, l’OACI crée la procédure de mise en application dans tous les aéroports mondiaux. Ceux qui se mettent en règle par rapport à cette décision sont estimés aéroports ouverts et les autres sont tout simplement fermés au trafic international.
Les bureaux régionaux de l’OACI avec l’assistance de l’ACI, sont chargés de contrôler la bonne exécution de ces mesures.
Dans le même temps, IATA relaie auprès de ses membres, ils sont 250 et contrôlent plus de 90 % du trafic mondial, les décisions prises lors de cette session extraordinaire.
Nous sommes mi-février et la feuille de route mondiale est tracée. Il est décidé que les mêmes se retrouvent tous les 15 jours pour faire le point sur les avancées sanitaires et en particulier sur les approvisionnements en masques et tests.
Alors, bien sûr, tout cela est de la politique fiction, car il s‘est passé exactement le contraire.
D’abord les Etats, au lieu de coopérer entre eux, et ils disposent pour cela des grands organismes internationaux mentionnés plus haut, se sont immédiatement repliés sur eux-mêmes et ont tout
simplement fermé leurs frontières aux non nationaux.
Ce faisant ils ont déclenché un effet de dominos, chaque pays décidant de réagir en fonction des décisions du voisin. C’est ainsi qu’une pagaille innommable s’est installée dans le monde, chacun tentant de tirer la couverture à soi, sans pour cela protéger les populations de manière plus efficace.
A ce jour, c’est-à-dire 9 mois après les premières décisions de fermeture des aéroports, on en est plus ou moins toujours au même point.
Et pendant cela, que font les grands organismes censés administrer le transport aérien mondial ? Eh bien, ils étalent leur impuissance, comme par exemple l’OACI qui indique sur son site officiel :
« Les règles figurant dans les normes de l’OACI ne se substituent jamais à la primauté des exigences réglementaires nationales…. Contrairement aux images déformées que véhiculent les médias à propos des organismes des Nations Unies, ces derniers n’ont aucune autorité sur les Gouvernements dans les domaines de priorité internationale pour lesquels ils sont établis. »
Voilà qui explique tout. Les gouvernements délèguent aux grands experts le soin de dicter leurs décisions mais dans le même temps ils s’exonèrent de toute obligation à leur égard. C’est ainsi qu’une situation dramatique aurait pu être évitée dès le printemps alors qu’elle ne l’est toujours pas
à l’automne.
Autrement-dit, à part se réunir, discuter, faire des rapports en plusieurs langues, les grands organismes gestionnaires du transport aérien mondial ont montré leur impuissance à diminuer les effets de ce qui était tout de même bien une pandémie à l’échelle de la planète.
C’est tout simplement décourageant.
Jean-Louis Baroux