Sale temps pour les compagnies aériennes du Golfe


Le temps des vraies turbulences est arrivé pour les flamboyants transporteurs du Golfe dont on pensait que la croissance était sans fin. Coup sur coup, deux très mauvaises nouvelles sont venues perturber leur assurance : les déboires capitalistiques d’Etihad et l’arrêt des accords « Interline » entre United Airlines et les compagnies de la région.

D’abord la situation d’Etihad

Le rejet par les salariés d’Alitalia du plan de sauvetage ultime proposé par la direction sonne le glas des espoirs mis par Etihad dans sa stratégie qui consiste à monter un bilan à la hauteur de son concurrent de Dubaï. Manifestement les investisseurs d’Abu Dhabi ont tiré l’échelle, contraints qu’ils étaient par la baisse des revenus du pétrole.

Le pari fait de redresser les comptes des compagnies ciblées n’a pas pu être réalisé loin de là. Air Berlin reste un gouffre financier et la sortie du capital ne sera pas de tout repos. La casse est limitée par la location massive d’appareils au groupe Lufthansa dont on imagine bien qu’il serait ravi de voir disparaitre ce concurrent allemand, de surcroit installé dans la capitale.

Mais cela ne fera pas les affaires d’Etihad qui devra bien provisionner les très gros investissements réalisés dans le transporteur allemand. Voilà qui n’arrangera pas son bilan. Et du côté italien la situation est encore pire. On ne voit pas comment Alitalia pourra sortir de sa situation actuelle sans être liquidée, d’autant plus que le prêt relais de 600 millions d’€ consenti par le Gouvernement Italien pour passer la saison d’été n’a pas été validé par les autorités européennes qui risquent bien d’en demander le remboursement.

Etihad devra alors passer tout son investissement italien par pertes et profits.

Dans ces conditions, le résultat final de l’exercice 2017 sera certainement catastrophique. Certes l’Emirat d’Abu Dhabi n’est pas à la rue, et il pourra certainement faire face à la reconstitution des fonds propres de son transporteur, mais il peut dire adieu à la stratégie de conquête initiée par James Hogan.

Alors Etihad sera amenée à se concentrer sur son développement interne. N’oublions pas que la compagnie reste un acteur très significatif dans la zone avec 123 appareils et 184 en commandes et un chiffre d’affaires de plus de 9 milliards de $. Je connais beaucoup de transporteurs qui voudraient atteindre cette taille.

Néanmoins le suisse Peter Baumgartner nommé au remplacement de James Hogan, devra faire preuve de doigté et de patience pour reconvertir la stratégie de la compagnie.

Les relations avec les transporteurs américains.

Coup de tonnerre ! Nous avons appris cette semaine que United Airlines avait décidé de couper tous ses accords « Interline » avec les compagnies du Golfe.

Cette décision, un peu incompréhensible, est sans doute en relation avec les remarques des dirigeants de la région suite au débarquement en force et très médiatisé d’un passager pour cause de surbooking du transporteur américain suite à la nécessité de faire de la place pour un salarié qui voyageait pour des raisons professionnelles.

Je note d’ailleurs qu’un incident un peu semblable et tout aussi médiatisé est arrivé à bord d’un vol Delta Air Lines entre Hawaï et Los Angelès. Cela prouve tout de même le peu de soin que les compagnies américaines prennent de leurs passagers à l’inverse du comportement des opérateurs du Golfe.

Quoiqu’il en soit l’arrêt des accords « Interline » est un mauvais coup porté aux Emirates, Etihad, Qatar et consorts, car ces transporteurs ne disposent que de points d’entrée limités aux Etats Unis.

Par conséquent ils ont besoin de ces accords pour se raccorder au très puissant réseau domestique américain.

Il serait d’ailleurs surprenant qu’American Airlines et Delta Air Lines n’emboîtent pas le pas de leur homologue.

Cette mesure fait également suite à la décision des autorités américaines de ne pas autoriser les PC à bord des vols en provenance de certains pays, dont ceux du Golfe, vers les Etats Unis.

Ces mesures entraîneront certainement une riposte de la part de ces compagnies ou des pays concernés. Il y va de leur fierté et on sait combien elle est importante dans leur culture.

Quelle forme cette riposte prendra-t- elle, je n’en sais rien, mais il ne serait pas surprenant que des annulations ou des reports de commandes passées chez Boeing ne soient pas enregistrés dans les prochaines semaines.

Le temps de turbulences est arrivé pour les compagnies du Golfe.

Jean-Louis Baroux





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