Dans la peau de Laurent Abitbol


D’abord une précision : Je ne suis pas l’hagiographe de Laurent Abitbol. Ma seule ambition est de rapporter ce que j’ai personnellement constaté lorsque je l’ai approché. Des faits donc, juste des faits. Afin de rappeler l’étonnante trajectoire d’un tycoon lyonnais qui aurait pu devenir attaché de presse ou commissaire de police. Quelqu’un de véritablement atypique dans le petit monde du voyage.

Alors, forcément, Laurent Abitbol, le président des réseaux Selectour, Havas et Auchan Voyages, des tour opérateurs Voyamar et Aerosun et de l’ensemble du groupe Marietton, fait parler, pour ne pas dire jaser.

Son hyperactivité, son omniprésence, sa manière d’être et de faire amusent, agacent, étonnent, dérangent. Bref, on l’adore ou on le déteste.

J’ai eu personnellement l’opportunité régulière de le voir évoluer au début de ce siècle. Il venait de créer Voyamar et exerçait son activité dans la mezzanine d’un petit local de 30 m2 situé rue Moncey à Lyon.

L’équipe était réduite au strict minimum : trois personnes au total. Laurent s’occupait, des réservations et de beaucoup d’autres choses. Il mettait un point d’honneur à ce que toutes les demandes de réservations de vol en liste d’attente aboutissent. En harcelant au besoin les services de réservation des compagnies aériennes jusqu’à obtenir le résultat désiré. Du travail « à l’ancienne. »

A ma connaissance, les deux collaborateurs de l’époque sont toujours présents à ses côtés. Laurent est fidèle en amitié.

A l’époque, c’est-à- dire il y a une petite quinzaine d’années, beaucoup de ses confrères (et consœurs) le traitaient avec condescendance. Pour beaucoup, il était la grenouille de la fable. Celle qui voulait devenir plus grosse que le bœuf. Le plus amusant, c’est qu’il a réussi. Sans exploser.

Laurent avait des qualités rares et utiles pour réussir. Tout d’abord, il avait la « foi du charbonnier » chevillée au corps. Il ne doutait de rien, surtout pas de son destin, ni lui-même. Un battant créatif.

Je travaillais à l’époque à la direction grand public de Protravel Vacances. Je pense pouvoir affirmer que nous étions le premier réseau d’importance à le référencer.

Très souvent, à l’heure du déjeuner, il nous rendait visite au siège et sa question était immuable : « Vous avez du business pour moi ? »

En fait, cela a duré peu de temps. Nous avons compris qu’il progressait vite quant il s’est rapidement offert un splendide coupé Mercédès. Une surprise, car nous savions tous que Laurent n’était pas un flambeur. Plus exactement qu’il flambait que lorsqu’il avait les moyens de le faire. En même temps, c’était pour lui une folie, le premier signe apparent de réussite.

Et, comme l’appétit vient en mangeant, il vraiment décollé. Il a multiplié ou renforcé les destinations, avec pragmatisme et efficacité. Beaucoup guettaient le faux pas fatal.

Mais, il savait prendre des risques calculés pour augmenter son activité. Il a même partagé le leasing d’un Boeing 737 avec feu Air Méditerranée. Ce qui a fait de lui un Tour operator majeur vers la Tunisie. Puis il a programmé avec succès le Sénégal.

A cette époque, il était toujours considéré comme un voyagiste régional. Ses principales acquisitions : O.V.P –Ailleurs – Messageries Nationales et leurs points de vente grand public en étaient la preuve.

Comme l’oiseau, il construisait « son nid » petit à petit, avec application.

Puis il s’est adossé à un « business angel » Lyonnais Siparex et son n’ascension n’eut plus de limites. Puis son développement fut facilité par la banque Rothschild et le Crédit agricole. Mais il restait le maître de sa destinée.

Mais, ses ambitions étaient devenues nationales.

Il fit donc de nouvelles acquisitions en conséquence : de Bouard Voyages, voyages Auchan et en point d’orgue, le dernier jour de l’année 2015, le rachat du groupe Havas Voyages. Le moment précis où grenouille était vraiment devenue plus grosse que le bœuf.

Aujourd’hui, il ne doit pas être loin de posséder en propre près de 500 points de vente. Il est à la tête d’un groupe de 1 700 salariés qui pèse près de 1,3 milliard d’euros. Personne n’a jamais possédé en France un réseau d’agences de voyages aussi dense. Son bâton de Maréchal me direz-vous. Pas vraiment en fait.

Son appétence semble ne pas avoir de limites. Il a quelque peu réorienté et diversifié ses centres d’intérêt. Il s’est intéressé à des fonctions plus politiques. Voire plus polémiques.

Son goût du pouvoir allié aux défis qu’il se pose à lui-même, il est devenu administrateur du Cediv et Président de Sélectour. En bousculant parfois au passage l’ordre et les convenances établies.

Là encore avec des méthodes, parfois léonines susceptibles de froisser les egos. En tout cas, loin de règles policées de la diplomatie et du politiquement correct. Ce qui est agaçant j’en conviens.

Qu’il ait tort ou raison. Il avance pour atteindre ses objectifs.

Et après ? Seul l’avenir pourra nous le dire. Laurent a toujours dit qu’il arrêterait avant. Dans la plénitude de ses moyens. Je lui souhaite de pouvoir le faire comme il l’a prévu.

Mais je vais revenir rapidement sur le dîner donné à l’abbaye de Collonges de Paul Bocuse le 23 mars dernier.

Tout a été dit ou presque.

Plus de 500 personnes étaient présentes, avec en prime un récital privé donné par Enrico Macias. Après tout, il n’y a pas que Purcell dans la vie. Avec en prime le renom de Paul Bocuse. Autant de symboles de réussite qu’il ne dédaigne pas.

C’était presque caricatural sous certains aspects. Laurent était tout simplement heureux. C’était sa fête, Il avait réuni un grand nombre de ses amis, de ses collaborateurs de ses prestataires. Tel Amphytrion, il voulait que tous passent un bon moment en sa compagnie. Il est ainsi Laurent, spontané. Une dichotomie tranchant avec l’intraitable négociateur.

Il pouvait compter sur l’appui inconditionnel de sa famille. Au sens le plus large du terme. Des gens unis qui ont beaucoup fait et depuis longtemps pour la profession. En tout cas dans la région Lyonnaise. A force de travail et d’abnégation. Des entrepreneurs au sens noble du terme.

Rien que pour cela il faut respecter la trajectoire de Laurent Abitbol.

François Teyssier





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