L’épidémie de peste pulmonaire qui s’est déclaré à Madagascar est en train de porter un coup sévère au tourisme malgache. La semaine dernière le ministre du tourisme de Madagascar, Roland Ratsiraka, annonçait que le tourisme résistait et que le pourentage d’annulations en loisirs était seulement de l’ordre de 15 % et de 10 % pour les voyages d’affaires. Mais dans le même temps Rita Ravelojaona, présidente de la Fédération des Hôteliers et Restaurateurs de Madagascar (FHORM) parlait plutôt de 35%. La propagation rapide de l’épidémie ne devrait pas améliorer ces chiffres et risque d’impacter sévèrement la saison 2018.
L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) de même que le site du Ministère des Affaires Etrangères français, se voulait rassurante et ne conseillait pas de renoncer à un déplacement à Madagascar. Tous deux rappelant quelques conseils élémentaires d’hygiène et de bon sens et l’OMS annonçant l’envoi de 1.200.000 dose d’antibiotiques (assez pour soigner 5.000 malades et 100.000 personnes ayant été en contact avec un malade).
[1]Néanmoins, un membre de l’équipe nationale de basketball des Seychelles est mort brutalement de la peste pulmonaire le 27 septembre lors de Coupe des Clubs Champions de l’Océan Indien à Madagascar. Et l’Obs vient d’annoncer qu’un français résidant à Toamasina est mort de la peste il y a quelques jours. Il est évident que l’épidémie ne se concentre pas que dans les quartiers les plus miséreux des grandes villes. Et ce ne sont pas les habituelles précautions d’hygiène (bien se laver les mains, etc …) qui peuvent éviter une contamination orale.
Pour l’instant, l’OMS considère que le risque de contamination aux pays voisins est faible, et que le contrôle de température obligatoire à l’aéroport d’Antanarivo avant l’embarquement est suffisant pour éviter une propagation extérieure. Tous ne sont pas de cet avis et les Seychelles voisines ont pris des mesures drastiques qui impactent tous ceux qui envisageraient un combiné Madagascar-Seychelles.
[2]Réaction des Seychelles face au risque de la peste
Un seychellois, de retour de Madagascar a été hospitalisé en urgence début octobre atteint de la peste. Tous ses proches ont été immédiatement mis à l’isolement et ont reçus un traitement préventif ainsi que plus de 320 personnes qui avait été en contact avec lui de manière directe et 630 autres suite à des contacts indirects.
La seconde décision des autorités Seychelloises a été de suspendre sine die tous les vols Air Seychelles vers Madagascar.
Le Gouvernement Seychellois a aussi interdit l’accès de son territoire à toute personne étant passé par Madagascar dans les 7 jours précédents, Seuls des citoyens Seychellois auront cette possibilité mais seront immédiatement mis en quarantaine sous surveillance médicale à l’Académie Militaire de Perseverance.
[3]Il a été demandé aux autorités aéroportuaires de la Réunion, du Kenya et de Maurice d’interdire d’embarquement tout passager non seychellois en transit depuis Madagascar vers les Seychelles.
De même tout navire de croisière ayant abordé Madagascar devra rester 7 jours en mer avant d’avoir l’autorisation d’accoster.
Propagation de la peste
A Madagascar les rats sont le réservoir permanent de la bactérie de la peste et c’est par l’intermédiaire des puces que la maladie se répand. Mais pendant les périodes où les rats se rapprochent des villages les puces peuvent aussi transmettre la maladie du rat vers l’homme.
[4]Les sujets infectés peuvent développer deux formes principales de la maladie. La peste bubonique, la plus répandue, a une incubation de 2 à 6 jours et s’attaque aux ganglions, créant des bubons. La peste bubonique si elle est traitée rapidement par des antibiotiques spécifiques est généralement guérissable avec une mortalité de 10 à 30 %.
Mais si la bactérie s’attaque aux poumons, on parle alors de la version pneumonique de la peste et cette peste pneumonique est terriblement contagieuse – la contamination se fait oralement, une simple toux suffit – et malheureusement à cause d’une incubation extrêmement rapide, elle entraîne la mort dans les 24 à 48h si le traitement n’est pas pris immédiatement. Son taux de mortalité est de plus de 90 %.
Traditionnellement, Madagascar a toujours été un foyer endémique de la peste. Tous les ans de septembre à avril, plusieurs foyers de peste réapparaissent dans seulement 3 ou 4 districts de la campagne malgache, loin des centres urbains et des zones fréquentées par les touristes.
Le nombre de malades atteints oscille autour de 300 cas, quasiment tous touchés par la forme bubonique entraînant de 50 à 60 décès.
Les touristes, même en période épidémique ne risquaient guère d’être confrontés à ce problème car les zones touristiques n’étaient pas touchées. Le pays est suffisamment vaste pour que backpackers et randonneurs évitent les zones à risques.
Cette année, la situation est beaucoup plus sérieuse. [6]L’épidémie qui a commencé plus tôt, dès le mois d’août s’est développée d’abord sous sa version bubonique, mais le 28 août dans le district d’Ankazobe, à environ 80 km de la capitale Antanarivo un homme décède brutalement de la grippe pulmonaire suivi rapidement par 4 autres qu’il avait contaminés, déclenchant une deuxième épidémie qui s’est rapidement propagée.
Antanarivo (Tananarive) et Toamasina (Tamatave) les deux plus grandes villes sont touchées et les cas de peste pulmonaires s’y sont multipliés à grande vitesse.
Les chiffres de l’OMS montrent bien la propagation:
Au 30 septembre 2017, 131 cas déclarés (dont 73 de peste pulmonaire) et 24 décès.
Au 16 octobre, 610 cas déclarés et 63 décès.
Au 18 octobre, 805 cas déclarés (dont 595 de peste pulmonaire) et 74 décès
Au 20 octobre, 1.100 cas déclarés et 94 décès.
Le nombre de personnes touchées par la peste a doublé en moins d’une semaine. Et en plus l’épidémie qui est dans sa phase active touche maintenant 18 des 22 régions de Madagascar.
Frédéric de Poligny