La guerre est déclarée dans l’univers naissant du transport « low cost » long courrier. Voilà un type d’activité auquel personne ne croyait jusqu’à une période très récente. Il était d’ailleurs incongru de poser le sujet sur la table auquel les responsables des compagnies répondaient au mieux par un haussement d’épaules méprisant.
Une première alerte a été lancée il y a deux ans lorsqu’Air Asia X a ouvert une desserte entre Orly et Bangkok. L’affaire s’est terminée par un fiasco au grand soulagement des transporteurs traditionnels.
[1]En fait le produit n’était pas distribué convenablement et l’appareil un Airbus 330 était peu adapté.
Une fois passée la première frayeur tout le monde est retourné à la stratégie précédente qui niait la viabilité d’un tel concept, comme d’ailleurs l’échec d’Air Asia X l’avait démontré.
Seulement certains ne se sont pas endormis sur le passé. Et l’année 2016 aura marqué le début des exploitations « low cost » long courrier sur le marché français avec l’arrivée de Norwegian et plus étonnamment du français French Blue.
Mais qu’est-ce qui a bien pu passer par la tête de Marc Rochet et de Jean Paul Dubreuil pour qu’ils se lancent dans cette aventure ? Ils auraient pu rester tranquillement assis sur les résultats plus que confortables d’Air Caraïbes. Seulement les résultats présents ne préjugent pas des profits futurs.
Et dans ce métier il faut avoir un coup d’avance.
Ils n’y sont d’ailleurs pas allés de main morte en construisant une nouvelle compagnie sur le concept long courrier et « low cost ». Oh certes il n’y a pas à attendre des écarts de prix considérables surtout lorsque l’on veut garder un CTA (Certificat de Transport Aérien) français.
[2]Les contraintes sociales s’appliquent en effet à fond contrairement à celles que doit affronter Norwegian, beaucoup plus flexibles. Mais néanmoins, en partant d’une feuille blanche et en appliquant strictement les règles européennes l’économie de coûts est de l’ordre de 15 % par rapport aux charges classiques d’une compagnie traditionnelle pourtant bien gérée.
Ainsi French Blue peut partir à la conquête de marchés nouveaux pour elle, mais cependant parfaitement connus. Outre les Caraïbes, le champ d’action traditionnel d’Air Caraïbes, la compagnie va s’attaquer dès l’été prochain à la Réunion.
[3]Et, en dehors des clients, cela ne fait absolument pas les affaires des acteurs actuels.
Non seulement une nouvelle capacité va s’insérer sur cet axe déjà bien occupé par Air France, Corsair et Air Austral, mais les tarifs vont devoir s’aligner sur le moins disant, lequel est construit avec une structure de prix de revient inférieure. Voilà qui va donner un sérieux mal de tête aux transporteurs actuels.
Finalement, le grand perdant risque d’être Air France. En effet la compagnie est attaquée sur deux marchés majeurs : les Etats Unis par Norwegian, et les DOM avec French Blue. Comment notre transporteur national peut-il réagir ?
D’abord sa réaction prendra forcément du temps car toute tentative dans le secteur du « low cost » long courrier devra d’abord obtenir l’aval des syndicats et on connait très bien leur capacité de résistance, surtout à un changement de cette nature.
[4]Mais en supposant que le consensus soit obtenu, quel va être l’outil d’entrée dans ce qui a toujours été nié par les responsables de la compagnie ? Air France va-t- elle créer une nouvelle filiale long courrier à bas coûts ?
Ce serait encore complexifier la structure du groupe qui compte outre les deux transporteurs drapeaux que sont Air France et KLM, 2 « low costs » court courriers : Transavia et Transavia France et une formule un peu hybride pour desservir le marché français ; Hop Air France.
Rajouter un autre acteur dans le long courrier paraît un peu compliqué, d’autant plus que ce type d’activité n’est pas dans la culture d’Air France.
Alors il reste à développer Transavia pour lui faire faire du long courrier, en essayant de ne pas trop faire hurler les syndicats.
Mais une autre solution pourrait également être envisagée assez naturellement : le rachat de la compagnie long courrier française qui se rapproche le plus d’une gestion « low cost » : j’ai nommé XL Airways. Cette dernière est à reprendre, le coût n’est pas élevé et à portée des finances du transporteur national. Sauf que pour que l’affaire réussisse, il faudrait laisser une totale autonomie de gestion à XL Airways qui détient déjà tout le savoir-faire.
Reste une dernière possibilité : ne rien faire. Mais est-ce bien raisonnable ? Sauf à ce qu’Air France se recentre sur son métier de base qui est un transporteur de haut de gamme.
A courir tous les lièvres à la fois, on court de risque de n’en attraper aucun.
Jean-Louis BAROUX