[1]J’aime le genre de prospective dont TUI Travel PLC vient de nous pondre une excellente illustration en présentant son « agence du futur ».
Le monde se déchire, l’économie ne sait plus vraiment où elle en est, ni où elle va, mais des pointures intellectuelles sont capables de nous décrire l’agence de voyage de demain.
Un monde « bisounours » comme il faut, forcément…
Et ces gars-là peuvent recevoir des prix ! C’est si créatif… ça épate ; faut bien le dire.
Moi, pourtant, c’est marrant, je me demande déjà si demain, il y aura même encore des voyages. Ne serait-ce que ça… ça me paraît pas joué d’avance.
Les destinations sont toutes sous pression ; quand ce n’est pas à cause d’une problème géopolitique, c’est à cause d’un phénomène sanitaire X ou Y, ou bien d’une concurrence qui les oblige toutes à se standardiser fissa-fissa, si ce n’est pas dans leur apparence, c’est au moins dans leurs services et dans l’événementiel par lequel elles attirent le chaland.
Mais si ce n’était que ça ; on garderait encore la liberté d’aller à Nérac, ou bien à Trifouilly les Oies ; là ou personne, sauf les amoureux et les bouseux de base, ne songerait à aller.
Sauf que le facteur économique s’ajoute à la panoplie déjà fournie des freins aux voyages, quelque soit la destination.
A moins que grand-mère puisse vous recevoir, si elle n’est pas déjà en maison de retraite, ou qu’un copain, un vrai de vrai, soit prêt à vous recevoir avec votre smala…
Il faut quand même faire abstraction de beaucoup de choses pour imaginer une boutique comme celle que TUI Travel PLC et ses marketeurs imaginent : un local d’au moins 300 m2, hors arrière boutique, et forcément dans une galerie commerciale. Des écrans partout, des écrans 3×3 aussi, et une déco qui est aux goûts du jour, évidemment ; c’est à dire remaniée radicalement tout les 2 ans, tant la mode va vite…
Champagne !
Bref, cette boutique de demain est un investissement de « grosse maison » ; pas celui d’une simple agence de voyages, genre celle qui existe encore à Espalion, Aveyron, 12, dont la survie dépend plus de sa notoriété locale que de son look de midinette.
Dépenser autant pour une boutique de voyages, dont la marge nette n’est plus vraiment ce qu’elle était – ça eut payé mais ça paye plus autant… – j’ai peur que beaucoup de distributeurs aient du mal à voir de quoi on leur parle.
Sauf si c’est pour leur dire que l’avenir est aux grands groupes intégrés, les seuls capables d’investir aussi massivement dans leurs points de vente.
Cela étant, j’aimerais savoir comment les auteurs de cette prospective alléchante voient le monde de demain.
À leurs yeux, visiblement, nos 5 millions de chômeurs, nos djihadistes et notre « dissociété » galopante, comme dit l’économiste Jacques Généreux, ne vont avoir aucune incidence sur le marché de demain.
J’aime cet optimisme : ouais… c’est cool…
Mais c’est trop cher pour moi.
Encore une sucette ?
Bertrand Figuier