La Guyane veut défricher son tourisme coûte que coûte
10 juin 2016 Bertrand Figuier 1 commentaire À la une, France CNES, DGE, Guyane, Jean-Louis Antoine, René-Marc Chikli 5282 vues
La DGE organisait mardi dernier une événement sur l’innovation et l’entreprise dans le tourisme. Bien relayé auprès des institutionnels du secteur, la manifestation n’a pas rencontré d’écho prononcé chez les professionnels du privé, même si certains avaient fait le déplacement, comme René-Marc Chikli par exemple. C’était pourtant l’occasion de rencontrer des gens engagés pour le développement du tourisme national, et en particulier ceux de l’Outremer. Eux aussi se battent pour innover… Jean-Louis Antoine, le Président de la commission aménagement du territoire, en particulier. Avec lui, on voit bien que l’innovation n’est pas forcément technologique. C’est d’abord et souvent une question de bon sens et de passion. Témoignage :
La Quotidienne : Où en est l’innovation produit en Guyane ?
Jean-Louis Antoine : A priori, il y a un fort potentiel de produits originaux qu’on ne trouvera pas ailleurs. C’est le cas des écolodges flottants ou des hébergements dans la canopée ; un canopée qui n’a rien à voir avec ce qu’on trouve en Europe ou dans la forêt de Rambouillet. Il y a aussi, bien sûr des projets en veille, comme les petits lodges navigants par exemple.
Alimentés à l’énergie solaire et propulsés par des moteurs électriques, ils permettraient de proposer des randonnées fluviales sans bruit ni pollution, idéales pour préserver la nature. Les gens veulent de l’émotion, de l’authentique ; ils veulent connaître une véritable immersion au contact des cultures et de l’environnement locaux, avec des guides, des amérindiens souvent, qui mettent naturellement en valeur, à travers leur propre culture, ce qu’il y a à découvrir, autour d’un arbre, d’une bocage ou d’un animal, tout ce qui sert et comment on s’en sert…
Les produits en place fonctionnent ; on est même parfois obligés de refuser du monde, mais le potentiel est énorme, bien supérieur aux quelques dizaines de milliers de touristes que nous accueillons actuellement.
L. Q. : Qu’est-ce qui freine le développement de ces projets ?
J.-L. A. : Vous savez parfois, l’innovation peut se résumer à la coordination… Le problème en Guyane, c’est qu’il y a des institutionnels et des administratifs compétents, voire même très mobilisés, mais leur action intervient souvent sans cohérence, sans cadre politique opérationnel unifié. Le tourisme est tellement transversal que plusieurs administrations sont concernées et le plus souvent sans même le savoir… ce qui fait que quand ça débloque ici, sur les visas par exemple, ça bloque sur la réglementation de l’immobilier et on ne peut pas avancer sur les capacité d’hébergements… A ça s’ajoute le millefeuille des compétences, entre l’État, la région et ainsi de suite…
Pour bien faire, sans doute, il faudrait à la fois rationaliser les niveaux de décision et simplifier les démarches.
L. Q. : En parlant de démarches, où en êtes-vous vis-à- vis de vos problèmes de visas touristiques ?
J.-L. A. : Pour les touristes Brésiliens, ça y est, c’est réglé. Pour les Surinamiens, on travaille dessus et ça devrait aboutir à plus ou moins brève échéance. Sur le plan sanitaire aussi, ça a bougé. Pour la fièvre jaune, ça y est nous sommes ramenés aux normes de l’OMS qui proscrivait la double vaccination. Il n’empêche, et cela illustre bien ce que nous venons de dire, la vaccination est toujours imposée. Or elle coûte 80 € et n’est pas remboursable par la sécurité sociale… alors que c’est obligatoire et que cela demande ½ journée de démarche !?
Pour les familles, c’est rédhibitoire… Pour la Guyane, l’impact promotionnel est important ; on estime à 30 % au moins le nombre de clients que cela dissuade. Une estimation proche d’ailleurs de celle que fait le centre spatial pour qui un tiers des VIP sollicités par le CNES recule devant la vaccination. Et je ne parle même pas des paquebots qui ne veulent pas relâcher en Guyane car les clients refusent de se faire vacciner simplement pour embarquer…
Ce point-là est particulièrement dommageable car la croisière est un marché qui monte et les passagers sont d’excellents clients pour l’économie locale. Ils achètent de l’artisanat, ils consomment des denrées fraiches… pour beaucoup de petits producteurs, de commerçants ou d’artisans ; c’est du business en moins.
L. Q. : Quelle est l’urgence pour soutenir un développement conséquent et durable ?
J.-L. A. : On a besoin de former des guides, du personnel hôtelier… Sur la formation, on est vraiment pauvre et ce n’est pas un pauvre BTS avec 15 étudiants par promotion qui peut suffire, surtout quand 45 % des jeunes sont au chômage. Ce qu’il faut comprendre, c’est que le tourisme est un gros créateur d’emplois directs et indirects… chez les fournisseurs, dans l’agroalimentaire, dans le BTP… partout, ça irrigue l’activité de plusieurs secteurs à la fois.
Propos recueillis par Bertrand Figuier
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1 commentaire pour “La Guyane veut défricher son tourisme coûte que coûte”
En fait, la Guyane souffre du même problème que la métropole, aucun regroupement des acteurs du tourisme réceptif, aucune stratégie commune globale, chacun s’épuise dans son coin et manque de moyens, financiers, humains…
j’invite toutes les DMC et tous les acteurs du tourisme réceptif d’Outremer à rejoindre la French DMC Association pour qu’ensemble nous gagnons la visibilité auprès des émetteurs touristiques internationaux ainsi que la légitimité auprès du secrétariat d’état au tourisme qui nous manquent.
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