La chronique de JLB : Sacré pétrole !


Moi je vous dis, heureusement qu’on a le pétrole pour expliquer tous les mauvais résultats des compagnies aériennes. Imaginez que cette composante, largement avancée par tous les transporteurs pour justifier la modicité de leurs profits ou l’ampleur de leurs pertes, n’existe pas ? Je vous le dis tout de go, ce serait un drame. Car il faudrait bien alors trouver d’autres causes aux comptes désastreux des compagnies aériennes. Certes, IATA fait actuellement feu de tout bois sur la nouvelle taxe européenne liée aux émissions de CO², mais ce nouveau prélèvement, pour confiscatoire qu’il soit, n’explique pas tout.

Je me suis penché sur le cours du baril de pétrole depuis 1970 pour voir s’il y aurait une explication rationnelle à la dégradation économique du transport aérien.
A cette époque, le prix du brut était incroyablement bas : 3$ en 1970. Une forte hausse a eu lieu en 1974 pour cause de conflit Israélo-Arabe et le pétrole est monté à…12$ le baril.
Il a eu une nouvelle poussée de fièvre vers 1980 où il s’échangeait à 40$ le baril pour redescendre à 20$ en 1990. Il s’est alors stabilisé pendant une dizaine d’années puisqu’en 2000 il cotait 25$. La grosse poussée de fièvre a eu lieu à partir de 2005 : 55$, puis 120$ en 2008 avant de faire du yoyo : 40$ en 2009, 80$ en 2010 et 90$ en 2011.

Il est bien évident qu’entre 3$ le baril et 120$ il ne peut qu’y avoir de grandes conséquences sur l’économie du transport aérien, même si ces chiffres sont donnés en dollars courants et l’inflation est sérieusement passée par là surtout au milieu des années 1970. Ce n’est plus le cas maintenant.

Mais enfin, les avions équipés de moteurs à double flux consomment sérieusement moins que ceux de la génération précédente. Ils font d’ailleurs infiniment moins de bruit (à peu près 5 fois moins), comme refusent de le voir les écologistes furieux qui souhaitent voir Orly déménager au milieu de la campagne. Passons !

Et puis, tout le monde est logé à la même enseigne. Que je sache, Ryanair ou EasyJet paient leur carburant au même prix que Lufthansa ou British Airways. Et quoiqu’on en dise les transporteurs du Golfe sont logés à la même enseigne.

Par voie de conséquences, le prix du carburant, même s’il influe sérieusement sur les prix de revient, n’est pas un facteur de plus ou moins grande compétitivité. Certes les compagnies dont les flottes sont les plus récentes sont favorisées, mais ce qu’elles économisent en carburant est compensé par les charges de financement des nouveaux appareils.

Il faut donc chercher ailleurs les causes des résultats anémiés du transport aérien. Les prévisions de IATA pour l’année 2012 oscillent entre un profit de 3,5 milliards de $ et une perte de plus de 10 milliards de $. Rien que pour l’Europe, les estimations varient de plus 600 millions de $ et une perte de 4,4 milliards de $. Autrement dit, cette industrie n’arrive pas à trouver son équilibre financier alors qu’elle est en croissance moyenne de 5 % par an. Voilà qui est pour le moins étrange.

Et alors qu’il peine à s’équilibrer, ce secteur d’activité commande des avions à tout va. 4000 avions en attente de livraison chez Airbus et 3400 chez Boeing. Et ce dernier continue à engranger des commandes à la pelle.

Alors, bien sûr une fois les appareils livrés, il faut bien les exploiter et mettre leur capacité sur le marché. L’offre de transport va doubler en 6 ans alors que la demande ne va doubler qu’en 12 ans. Cherchez l’erreur. La solution sera, comme toujours de baisser le prix de vente pour attirer de nouvelles couches de passagers. Mais la demande n’est pas si élastique que cela, autrement le taux de croissance serait en augmentation alors qu’il est constant depuis des dizaines d’années. Il faudra donc, encore une fois, entrer dans le cercle infernal de prise de parts de marché sur les concurrents, lesquels en feront autant de leur côté.

C’est ainsi qu’avec une grande constance les compagnies aériennes se plaignent de la baisse de leur « yield » autrement du prix moyen coupon. Or c’est elles-mêmes qui l’organisent. Pour cela elles n’hésitent pas à baisser artificiellement leur prix de billet et à rajouter des surcharges carburant, comme si celui-ci n’était pas une composante majeure du prix de revient.

Oui, inévitablement le pétrole coutera de plus en plus cher, car il sera de plus en plus difficile à extraire. Les experts sont à peu près tous d’accord sur un baril à 200$. Il faudra bien s’y adapter. Le client devra bien payer ce prix de revient. Or actuellement les transporteurs s’acharnent à lui apprendre que son billet peut être acheté toujours moins cher en mettant sur le marché des prix d’appel qui n’ont aucun sens économique mais qui sont perçus par les passagers comme normaux.

Si la tendance ne s’inverse pas, si les compagnies ne trouvent pas le moyen de cohabiter sans se manger leur clientèle, alors la dégradation économique se poursuivra inéluctablement.

Et le prix du pétrole sera encore une fois bien pratique pour expliquer la médiocrité des résultats.

Jean-Louis BAROUX





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