La chronique de JLB : La fin du modèle
4 juin 2012 Jean-Louis Baroux Aucun commentaire Chroniques Airways, American, baroux, British, china, Continental, Delta, EVA, hainan, Korean, Lufthansa, republic, Southwest, thai, United 4616 vues
J’ai sous les yeux les résultats des grandes compagnies aériennes traditionnelles pour le premier trimestre 2012. Ils sont catastrophiques, on ne peut pas employer un autre mot. Regardons l’affaire de plus près.
Comme toujours la région du monde qui se porte le mieux est l’Asie. Et pourtant… Sur l’ensemble de, la période, les compagnies Air China, China Eastern, China Southern, China Airlines, EVA Air, Hainan Airlines Group, Korean Air et Thai Airways réussissent l’exploit de dégager un résultat d’exploitation de 44 millions de dollars sur un chiffre d’affaires de 17,9 milliards de dollars, soit un ratio de 0,2 %. Le résultat net est certes un tout petit peu meilleur : 124 millions de dollars soit un ratio de 0,69 %. Ce n’est tout de même pas brillant
Aux Etats Unis nous avons les chiffres des compagnies Alaska Air Group, American Airlines, Delta Air Lines, Republic Airways, Southwest Airlines, United-Continental et US Airways. Et bien pour cet ensemble, le résultat d’exploitation est de 186 millions de dollars pour un chiffre d’affaires de 32 milliards de dollars soit un ratio de 0,6 %, guère mieux qu’en Asie. Par contre le résultat net cumulé est une perte de 1,8 milliard de dollars soit 5,2 % du chiffre d’affaires. Et en dehors d’American dont les résultats sont plombés par le passage sous Chapter 11, la plus grosse perte vient de l’union United – Continental : 448 millions de dollars. Autant dire que ce n’est pas parce qu’on est gros que l’on devient profitable.
Mais l’Europe est dans un état encore plus dégradé. Les résultats portent sur Air France/KLM, Air Berlin, Finnair, Icelandair, IAG (British Airways plus Iberia), Lufthansa Group, Norwegian, SAS Group et Vueling. Le résultat d’exploitation est une perte de 2,1 milliards de dollars pour un chiffre d’affaires de 25,5 milliards de dollars soit 8,2 % pour un résultat net global de -1,5 milliards de dollars soit 5,9 %. Autant dire qu’on est au plus mal. Toutes les compagnies, sans exception sont en perte d’exploitation et en perte nette, les plus grosses étant celles qui perdent le plus.
Il faudra bien se résoudre un jour ou l’autre à tirer les enseignements de ces chiffres, car ils démontrent que la situation ne peut plus durer et pas seulement dans telle ou telle partie du globe, mais partout. Cela veut dire que le modèle sur lequel le transport aérien a été construit depuis disons un quart de siècle est arrivé au bout. Il faut le changer de toute urgence.
De quoi est composé ce modèle ? Pour l’essentiel de 3 grands facteurs. L’exploitation en forme de « hub » qui permet de multiplier les destinations sans pour autant les desservir de point à point. La création de 3 alliances dont le but est de fournir aux clients, en particulier aux grandes entreprises, une offre globale. Le « Yield Management » dont l’objectif est de maximiser la recette d’un vol, sans se préoccuper ni des tarifs, ni des clients.
En soi, ces décisions stratégiques ne sont pas mauvaises et elles ont d’ailleurs fait preuve de leur efficacité. Sauf que l’on est allé trop loin.
Les « hubs » sont devenus gigantesques et ce qui était un avantage pour les passagers est devenu un sérieux inconvénient. L’exploitation des compagnies s’est progressivement dégradée et elle est devenue de plus en plus coûteuse. Enfin les infrastructures ne se sont pas améliorées et seuls les nouveaux grands aéroports disposent maintenant d’installations convenables.
Les Alliances reposent sur un constat au fond simple : les grandes sociétés réclament une offre globale or aucune compagnie à elle seule n’est en mesure de la fournir. Donc fabriquons des ensembles de transporteurs amis pour répondre à cette demande. Tout cela est bien, sauf que ces grands ensembles sont très chers à faire fonctionner et qu’ils n’empêchent pas les guerres entre partenaires.
Enfin le « Yield Management » a montré ses qualités lorsqu’il y avait derrière les écrans des responsables qui connaissaient leChinaurs marchés. Mais maintenant les ordinateurs se répondent les uns les autres et le « pricing » est naturellement entrainé à la baisse. Et puis les clients ont été déconnectés du rapport entre le service et le prix et ils ne réclament plus qu’une baisse tarifaire.
Le résultat de ces excès est connu. C’est la catastrophe assurée. Il faut très sérieusement changer le modèle et revenir à la raison : des compagnies à taille humaine, une grille tarifaire compréhensible et des aéroports adaptés à l’exploitation choisie.
Le moins qu’on puisse dire est que cela ne sera pas facile.
Jean-Louis Baroux
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