L’ Outgoing : l’enfant abandonné du tourisme français ?


En voilà une idée à suivre ! Le secteur du conseil, sous l’impulsion de Consult-in France, une organisation professionnelle, vient d’organiser une conférence débat sur la manière qu’il pouvait avoir de soutenir l’influence française en matière économique.

bertrand FiguierComme l’a souligné à sa façon la représentante du MAE, Agnès Romatet-Espagne, il s’agit bien de « diplomatie économique » et, pour rassurer le « gentil » animateur du débat : de la « diplomatie globale, débarrassée du lourd « complexe ethnocentrique » que nous traînons comme un boulet de l’histoire, car il faut avoir la certitude tranquille et avérée que nous avons des choses à proposer que les autres ne font pas ou font moins bien.

Ce qui est parfaitement vrai.

Évidemment, le secteur du conseil attend un soutien du gouvernement pour mieux vendre ses compétences à l’étranger : c’est un peu curieux car les mêmes vont expliquer aux entreprises qu’ils conseillent combien l’État peut les entraver et leur suggèrent de militer pour une déréglementation, globale elle aussi.

Voilà un secteur qui veut une plus forte dose de colbertisme, mais mariné dans l’ultralibéralisme des « néocons » américains.

Mais passons sur ce genre de petite contradiction. Une coquetterie sans doute.

Au passage, toutefois, on apprend que la France exporte beaucoup de services, un domaine paraît-il difficilement délocalisable mais qu’il serait judicieux de développer au plan international, en particulier dans le conseil bien sûr, pour soutenir l’export français et préparer le terrain aux entreprises qui voudraient exporter davantage.

Il semble que, si l’aéronautique marche bien, ce soit moins le cas des transports maritimes par exemple, du numérique aussi, malgré nos « start-up » ultra créatives, ou encore du tourisme.

On parle sans doute du tourisme réceptif ; rassurez-vous ; l’aube est encore loin…

A cet égard, on devrait sans doute se pencher un peu plus sur l’ outgoing. C’est en effet l’enfant négligé, ultra abandonné du tourisme national.

Et pourtant quel meilleur vecteur, très en amont, peut-on avoir pour développer ses exportations.

Qui envoie des millions de consommateurs consommer ailleurs que chez eux justement ?

Par ce qu’un touriste français, à l’étranger, ça consomme… et s’il ne consomme pas français, surtout dans une destination où la clientèle française pèse lourd, c’est que nos entreprises ne les ont pas suivis.

Quand un consommateur allemand arrive dans un pays « exotique », que croyez-vous qu’il préfère trouver dans sa chambre d’hôtel ? Des produits français, italiens ou chinois, ou bien ceux qu’il a l’habitude de trouver chez lui ?

Quelle langue le pays d’accueil essaie-t- il de maîtriser rapidement ? le javanais, le verlan ou la langue parlée par sa clientèle majoritaire ?

Quelle clientèle essaie-t- il de connaître et de comprendre pour s’adapter à sa psychologie et à ses attentes le plus vite possible ? Celle de la population voisine ou celle du pays émetteur le plus fort sur la destination.

Il ne faut pas être sorti de l’ENA pour deviner tout ça…

Le touriste français, à Singapour, Hong Kong, Tunis, Maurice ou Mexico est un agent d’exportation massive, à l’insu de son plein gré souvent, et malheureusement hélas, mais il est le meilleur commercial que la France puisse avoir.

Je ne parle pas d’image, car son comportement dès qu’il se sent en nombre, est aussi vulgaire que celui de ses homologues de tous les pays, Japon et Chinois exceptés probablement.

Je parle ici de consommation, rien que de consommation.

En s’exportant, le touriste français exporte ses habitudes de consommation, ses besoins et sa demande…

Il vient créer chez les autres le besoin de produit français, de produits qu’il connaît et qui le rassure, et cela dans tous les domaines.

Au fur et à mesure que sa présence augmente, l’implantation des entreprises français s’accroit et leur présence, ne l’oubliez pas, est la première chose que le touriste français constate en arrivant… ce sont des repères qui le rendent fier et le rassurent.

Demandez aux viticulteurs ! A l’inverse, demandez aussi aux Tunisiens ou aux Marocains…

En cela, ne croyez pas que ce soit une énième exception française ; c’est le lot de tous les touristes du monde. D’ailleurs, à ce propos, ce serait plutôt la curiosité pour le local qui ferait l’exception française d’après ce que j’entends dire un peu partout…

Le voyage forme peut-être la jeunesse mais il inquiète certainement le touriste.

Ne parle-t- on pas en marketing touristique de « ré-assurance » pour valoriser ses compétences et la qualité de son offre ?

Rien ne peut mieux rassurer un touriste français qu’une célèbre enseigne domestique qui brille en haut d’un immeuble sur le chemin entre l’aéroport et son hôtel.

C’est le clin d’œil que le pays lui adresse dès qu’il le quitte : « pas de panique, je suis là… je veille. »

Seulement voilà, encore faut-il cesser de considérer les professionnels de l’ outgoing comme des vacanciers.

Encore faut-il aussi cesser de regarder comme broutille les fleurons du tourisme national et arrêter de les brader aux opérateurs « exogènes ».

Non seulement, l’argent part dans le pays propriétaire mais en plus, le flot de Français qui lui sera confié ne verra pas le poids économique de sa présence confirmé par l’implantation de ses industries domestiques.

Encore faut-il enfin augmenter aussi les capacités d’export des professionnels français du tourisme. Ne plus les accabler de normes commerciales, administratives, juridiques et fiscales qui leur font faire la course internationale avec des semelles de plomb.

Pour ça évidemment, il faudrait que le gouvernement abandonne sa phobie sur la dépense des français à l’étranger ; qu’ils achètent en Thaïlande, en Russie ou en Afrique du Sud, quelle importance ?! du moment qu’ils consomment des produits français : de l’agro-alimentaire, de la communication, du numérique, du train, de l’avion, de la literie, de la presse, etc…

Allez trouver le Figaro dans tel ou tel pays… pas si simple mes amis ; alors que l’Allemand, quand il entre dans la salle de bain de sa chambre, voit tout de suite la robinetterie Grohe : « cool… Maison ! » se dit-il « à l’insu de son plein gré », là aussi, mais c’est déjà mieux pour les exportations de Grohe.

Bon, c’est vrai les gouvernements successifs de la France ont laissé filer en Chine ou ailleurs la fabrication de biens ; nous n’avons plus que des services à exporter et Mme Romatet-Espagne nous annoncé, lors de cette conférence, qu’il serait préférable que nous arrivions à rééquilibrer nos exportations en faveur des biens.

Il va donc lui falloir ramer à contresens et relocaliser quelques pans entiers de l’industrie française… Bonjour le boulot.

Mais le tourisme reste un excellent vecteur pour accélérer le mouvement et recréer ainsi plus vite de l’emploi.

Parce que le tourisme, ce n’est pas les vacances, c’est d’abord et avant tout un secteur transversal pluri-industriel : la communication, les infrastructures, l’alimentaire, le sanitaire, les transports, les assurances etc. y sont mobilisés en permanence, dès l’étude du moindre projet touristique.

Les vacances, c’est juste l’écume, quand tout est prêt et que la fête peut commencer.

Vraiment, le secteur du conseil a eu une bonne idée et les professionnels du tourisme seraient bien inspirés de les imiter.

A l’export, ils représentent un chiffre d’affaires équivalent, sinon supérieur, à celui du conseil !

Au moins là, ils parleraient de façon offensive au gouvernement et ce serait beaucoup plus dur aussi de les renvoyer dans leur but, avec ce pauvre et méprisant « corporatisme » dont on les accuse toujours trop facilement.

A lui, et à ses alliés industriels, de peser politiquement et de créer l’effet filière qui peut imposer ce genre de point de vue.

Bertrand Figuier





    2 commentaires pour “L’ Outgoing : l’enfant abandonné du tourisme français ?

    1. Bravo Bertrand Figuier pour cette réflexion qui va au delà du bout du nez et qui rehausse le niveau des débats dans le secteur du tourisme où on a tendance à rester trop souvent terre à terre.
      Merci de relever la réflexion au niveau macro économique et de plus au niveau international.
      Nous sommes demandeurs de la part de nos amis européens de ce genre de réflexion pour qu’on trouve en toute transparence les équilibres nécessaires pour une cohabitation amicale et intelligente où tout le monde trouve son compte.
      Cela ne sert à rien par exemple à vouloir continuer à boycotter la Tunisie car l’effet boomerang aura des effets qui amplifieront le mal pour tout le monde !

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