Avec l‘Explorer, le nouveau fleuron de leur flotte, Regent Seven Seas Cruises (RSSC) entend bien renforcer sa place de leader sur le marché du luxe… Le directeur général RU & Europe, Graham Sadler, nous redit sa confiance dans une croissance pérenne et nous annonce également l’arrivée d’un prochain navire à l’horizon 2020.
La Quotidienne : RSSC est un « spécialiste » du luxe sur le marché de la croisière, pensez-vous que ce marché connaît une croissance durable ou seulement passagère ?
Graham Sadler : Plus que spécialiste, je dirais que nous sommes « leader » du marché de la croisière de luxe. Pourquoi cette précision ? Parce que notre offre ne porte pas seulement sur le confort des infrastructures, ni même sur la qualité irréprochable des services. A cet égard, nous nous positionnons largement au dessus, à la différence de nos principaux concurrents, français ou internationaux, qui eux proposent surtout des produits haut de gamme.
[1]Cela étant dit, pour vous répondre enfin, je suis persuadé que le luxe est un marché en croissance pour de nombreuses années ; c’est un phénomène durable. D’abord il concerne 15 à 20 % de la population mondiale ; ce qui n’est pas rien. Ensuite, s’il touche d’abord les plus de 60 ans, il attire désormais beaucoup de jeunes actifs.
Enfin, son consommateur type est de plus en plus riche et de plus en plus exigeant. Il ne fait aucun compromis. Pour le satisfaire, l’offre doit être une extension de son propre corps ; d’où l’importance du « à la carte » pour renforcer l’offre et casser le plafond de verre qui bride les produits.
L.Q. : Vous faites une nuance entre haut de gamme et luxe, pourriez-vous nous dire ce qui fait vraiment la différence pour RSSC ?
G.S. : Le luxe, à la différence du haut de gamme, n’a rien de physique ou de structurelle. A la base, c’est une émotion, une satisfaction des sens, quelles que soient les activités, de la plus quotidienne jusqu’à la plus exceptionnelle. Par conséquent, cette vision du luxe englobe tout, l’espace, les matériaux, les infrastructures, le service… et tout doit véhiculer le beau, le noble et le qualitatif.
On parle donc d’abord d’une atmosphère particulière à laquelle s’ajoute un service bâti sur la reconnaissance et l’accueil dans chacune des relations avec le passager.
[2]C’est sans doute ce qu’il y a de plus difficile à mettre en place. Cela demande tout un programme d’attentions les plus diverses, les plus anodines, pour anticiper les désirs de nos clients et leur offrir la possibilité la plus naturelle, la plus fluide, de les satisfaire en leur donnant le choix et le temps de choisir.
Cela s’exprime dans tous les domaines, du plaisir de la table à ceux de l’esprit, d’où le vaste choix des excursions et, surtout, des causeries ouvertes que nous proposons à bord, en partenariat avec la Smithsonian Institution, et que nos clients apprécient tout particulièrement. C’est difficile à mettre en place mais c’est aussi très complexe à marketer ; un navire n’est pas une Mercédès que l’on peut essayer sans problème.
Non seulement, le luxe est une expérience très personnelle et il faut l’avoir vécue pour bien la deviner, mais en plus elle suppose une offre « tout inclus », à disposition, aussi librement qu’à la maison, avec une qualité de produit qui correspond aux canons, aux standards de nos passagers. Or, pour beaucoup de gens, le All Inclusive » évoque d’abord le marché de masse, pas le luxe.
[3]Et pourtant, le vrai « à la carte » suggère d’office le tout inclus… C’est justement l’idée que reprend le mass market pour offrir à sa manière un plus de liberté, un brin d’insouciance à ses clients. Tout est affaire de qualité du produit qui sert de référence. Dans notre restaurant grill, sur le pont supérieur de l’Explorer, le bœuf « à minima », c’est de l’Angus… les connaisseurs comprendront de quoi il est question…
L.Q. : Mais pour assurer un tel niveau de service, il faut que la clientèle réserve très en avance…
G.S. : Effectivement, nos clients effectuent leur réservation entre 6 et 9 mois avant leur départ ; de même qu’ils réservent leurs excursions, leurs dîners ou leurs déjeuners dans les différents restaurants de nos bateaux. Ils ont un choix entièrement libre, sans le moindre supplément, sauf bien sûr à boire un Château Latour ou un Dom Pérignon 1952… mais il vaut mieux s’y prendre à l’avance pour être sûr de varier chaque fois, et l’ambiance et le menu. Ce qui ne les empêche pas de pouvoir changer quand et aussi souvent qu’ils le veulent…
Cela présente un avantage pour nous car, connaissant précisément et très en amont le programme de nos passagers, nous pouvons caler les choses beaucoup plus tôt. Pour nos prestataires en escale par exemple, c’est très important et ça nous permet de travailler avec les meilleurs d’entre eux.
L.Q. : Avec la croissance régulière du nombre des croisiéristes, la France est-elle un marché intéressant pour vous ?
G.S. : Le marché français reste réservé sur les produits « internationaux ». Nous avons encore du mal à les attirer ; il faut qu’ils aient déjà expérimenté ce genre de produit pour mieux l’appréhender.
Pour autant, bien que la clientèle tourne davantage autour des 50 ans et plus, les choses changent et nous essayons de les accompagner en développant autant que possible la francophonie sur nos navires. Il n’empêche que les Français sont une référence mondiale dans le luxe… et leur appréciation nous intéresse inévitablement.
[4]La France est donc un marché intéressant pour nous, et pas uniquement sur le plan économique. Véronique Ryon (photo), notre directrice commerciale France, sait d’ailleurs très bien nous le rappeler en temps voulu.
Pour le moment, nous avons deux partenaires TO, Kuoni et CIC, et nous travaillons aussi avec 80 agences, boutiques ou internet, comme QNS (Croisières.net…) par exemple.
Avec Véronique, ce sont des gens très compétents et nous avons toute confiance en eux pour faire mieux connaître nos produits à vos compatriotes.
L.Q. : Les questions géopolitiques actuelles et la crise économique qui sévit plus ou moins partout vous posent elles des problèmes ?
G.S. : Si j’en juge par notre taux d’occupation, non visiblement. En comptant notre plus récent bateau, l’Explorer, nos quatre navires ont un taux de remplissage à 90 % et leur taux de repeaters dépassent les 60 % ! De plus, nous naviguons à peu près partout dans le monde, sur toutes les mers et tous les océans des deux hémisphères…
Pour tout vous dire, nous allons même sortir un nouveau bateau en 2020, le sistership de l’Explorer… Il y a la demande ; nous sommes assez confiants pour y répondre par des investissements… Que vous dire de plus ?
Propos recueillis par Bertrand Figuier