La France peut-elle gagner l’ America’s cup ?
3 mai 2017 François Teyssier Aucun commentaire À la une, France America’s Cup, Bermudes, New York Yacht Club, Ponant 3955 vues
Un récent voyage aux Bermudes, à l’invitation des croisières Ponant m’a permis de découvrir l’univers passionnant des « voileux». Tout d’abord, le Ponant, un magnifique trois-mâts de luxe qui navigue aussi bien à la voile qu’au moteur. Un compromis aussi raffiné que confortable. Sans doute le meilleur moyen de découvrir la raison qui motivait ma présence aux Bermudes :
La découverte du défi français à l’occasion du 35 e défi de l’America’s cup qui se déroulera exceptionnellement à partir du 26 mai prochain sur le bassin du great sound.
Cette compétition, la plus ancienne du monde moderne à été initiée sous ce nom depuis 1857 par les membres du New York Yacht Club, les vainqueurs du premier défi.
Ses créateurs l’ont voulue comme une compétition amicale perpétuelle en match racing entre Yacht Club de différentes nations. Avec pour seul enjeu une aiguière en argent.
Cette édition concerne le defender (le tenant du titre), l’américain Oracle et cinq challengers qui tous ambitionnent de battre l’équipage américain : Team New Zeland, le suédois Artemis, Land Rover Bar, le bateau anglais et le Soft Bank Team japonais et bien sûr le bateau français Groupama Team France.
Le béotien que je suis était totalement intrigué par ce qu’il allait découvrir.
Notre visite à la base technique du team France fut passionnante. Nous avons pu découvrir une équipe technique mixte hyper motivée de 50 personnes à titre permanent.
Le décor est loin d’être luxueux, un environnement de containers, plusieurs chapiteaux de toile face au bassin ou l’équipe travaille et le bateau est entreposé et ses réglages peaufinés à l’extrême.
L’ambiance est à la fois studieuse et un peu paranoïaque. Car il est patent que l’America’s cup se gagne sur des détails techniques novateurs. L’espionnage semble être une réalité à prendre en compte sérieusement.
Ce fut l’équipage et qui nous accueillit. Des beaux bébés en vérité. Tous des champions dans leurs spécialités respectives. Il suffit de voir l’intensité de leur préparation physique dans la salle de sport à leur disposition pour s’en persuader.
Puisque nous devons parler chiffres, autant commencer par les hommes de l’équipage qui consomment 7 000 calories quotidiennement pour être efficaces.
Avec un budget global de 30 millions d’euros, la France a le plus petit budget de l’ensemble des compétiteurs.
Les anglais, nos voisins sur le site disposent pour leur part de 150 millions d’euros et une équipe de 150 personnes. Tous ont pour unique but de tenter de ramener le trophée « à la maison. »
Il est difficile d’imaginer l’extrême sophistication de la technologie développée pour atteindre la performance optimale recherchée.
La seule activité comparable est sans doute le Formule 1. Même souci du détail, de la perfection. La technologie de pointe est omniprésente, l’emploi des matériaux composites est la règle absolue. Les coûts sont faramineux Un foil vaut 200 000 euros. Quatre foils sont autorisés au cours de la compétition.
En contrepartie, le spectacle est total. Imaginez un bateau de 45 pieds (13,716 mètres) qui à première vue semble fragile. Il est surmonté d’une aile rigide en Clysart haute de 23,60 mètres avec des volets orientables.
Le poids du bateau oscille entre 2 tonnes 332 et 2 tonnes 432 de carbone. Comme en formule 1 tout est strictement codifié.
Des vitesses étonnantes pour un bateau sans moteur. Les bateaux les plus performants frôlent les 40 nœuds.
C’est à dire une vitesse de 70 kilomètres/h.
Le facteur humain, l’équipage est un facteur majeur de réussite. Il est dirigé par son barreur le charismatique Franck Camas. Un navigateur passionné par la performance. Il a presque tout gagné, sauf l’America’s Cup. Sa motivation est grande.
Il est assisté par le régleur d’aile et quatre « grinders » – les winchers qui rechargent à la seule force de leur bras l’énergie hydraulique nécessaire aux commandes du bateau.
Tous sont des, des champions reconnus. Les « beaux bébés » bodybuildés dont je parlais ci-dessus. Des gens humbles, des marins.
Nous avons longuement suivi le Goupama Team France à bord d’un bateau doté de deux moteurs de 200 cv.
Nous étions rapidement distancés. Lui dressé sur ses foils et ses safrans, « volait » à une hauteur supérieure à 1 mètre au dessus de la mer. Reposant sur l’eau sur une surface d’un mètre carré douze. Magnifique et étonnant spectacle. Pour notre part, nous étions bringuebalés comme dans le tambour d’une machine à laver.
Maintenant reste l’espoir du résultat. La France peut-elle gagner l’America’s cup ?
Tous sont d’accord pour dire que le bateau est bien né. Il est rapide en ligne droite, au niveau d’Oracle, le bateau defender du trophée. Il manque un peu de stabilité et l’équipe travaille sur de nouveaux foils.
Soyons honnête, une victoire de la France serait une surprise. Mais tout est possible. Car cette compétition est un subtil équilibre entre intellect (la stratégie) et force physique (la manœuvre). Un dosage aussi subtil que délicat.
Il faut savoir que l’effort physique développé par chaque grinder en cours de compétition (20 minutes) varie entre 300 et 450 watts. La même que la puissance développée par un champion cycliste en plein effort dans le final d’un col de 1 e catégorie.
Après cette extraordinaire débauche d’énergie, le retour dans la quiétude de l’univers du Ponant était la bienvenue.
Des voiles, des vraies et un système hydraulique informatisé pour gréer le bateau.
Il va beaucoup moins vite, mais naviguer à bord du Ponant est un vrai plaisir hédoniste.
François Teyssier
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