C’est finalement de qui choque le plus dans le transport aérien actuel : les excès. Ceux-ci sont d’ailleurs si importants qu’ils rendent cette industrie incompréhensible au commun des mortels, et même aux meilleurs professionnels. C’est d’ailleurs une des causes, si ce n’est la principale des résultats plutôt médiocres de cette industrie.
Prenons deux exemples.
Lion Air passe une commande de 234 Airbus A 320 et A 321.
Tout le monde, au moins dans les services officiels, se félicite de cette méga commande, à vrai dire la plus importante jamais passée chez Airbus. Mais qui y croit vraiment ? Certes, bien qu’étant sur la liste noire européenne, la compagnie Lion Air est respectable. Elle n’est pas une nouvelle venue dans le ciel indonésien où en 14 ans d’existence elle s’est taillée la première place dans le transport intérieur.
Faut-il rappeler que l’Indonésie est le 4ème pays le plus peuplé du monde avec 230 millions d’habitants, que sa croissance est « asiatique » et qu’il est composé de milliers d’îles.
C’est assez dire le potentiel formidable que le transport aérien a devant lui, d’autant plus que des investissements considérables ont été consentis pour créer une excellente infrastructure aéroportuaire qui ferait bien des envieux y compris en France.
Mais est-ce suffisant pour rendre crédible une telle commande ?
Lion Air opère pour le moment une flotte de 70 Boeing. Or elle a commandé déjà 230 Boeing 737 en 2011 pour une valeur catalogue de 22,4 milliards de dollars et elle vient de rajouter 234 Airbus pour une valeur catalogue également de 24 milliards de dollars.
En comptant la vingtaine d’appareils qui devront être retirés du service, la compagnie envisage ni plus ni moins de multiplier sa flotte par 6 en dix ans.
Tous les professionnels s’interrogent sur ce qui semble tout de même représenter une énorme fuite en avant.
Le scepticisme gagne même les médias asiatiques comme « Orient Aviation » et la presse indonésienne.
Toutes proportions gardées cela me fait penser à l’affaire de Khalifa Airways, la fulgurante défunte compagnie algérienne qui a mis la clef sous la porte en oubliant de payer ses fournisseurs, dont certains ont eu beaucoup de mal à se remettre.
Rafael Sanchez Lozano démissionne de son poste de Président d’Iberia
Nous sommes dans une toute autre configuration.
Le groupe IAG composé pour l’essentiel de British Airways et d’Iberia a été créé pour donner une dimension encore plus importante à British Airways.
Le modèle ressemble beaucoup à la conception du groupe Air France/KLM. Sauf que l’on s’aperçoit très vite, une fois les premières synergies dégagées par la réorganisation des exploitations, de la difficulté de faire fonctionner des ensembles de culture si différentes.
On ne peut pas s’y tromper. Willie Walsh, le patron de British Airways, veut imposer son timing et sa stratégie, laquelle consiste à faire baisser drastiquement les prix de revient.
Sauf que l’exercice est compliqué à pratiquer en Espagne avec une compagnie ancienne et une économie exsangue. Or donc, voilà le Président actuel contraint à présenter sa démission, c’est au moins comme cela que l’on peut l’analyser, pour être remplacé par le patron de la filiale « Low Cost » d’Iberia Luis Gallego.
Personne d’ailleurs ne peut mettre en doute les qualités professionnelles de ce dernier, mais c’est un pas certain pour transformer l’ensemble d’Ibéria en un transporteur à bas prix. Et comme si cela ne suffisait pas, le groupe IAG veut mettre la main sur l’intégralité de Vueling dont le mérite est d’exister et d’être profitable en appliquant un modèle original de « Low Cost » à service amélioré.
La volonté de puissance et de grosseur ne remplace pas la qualité du produit.
Au fond, c’est comme si les responsables de ces grandes compagnies se disaient : « si je reste tout seul, je vais perdre de l’argent, alors je vais contrôler une autre compagnie qui elle aussi perd de l’argent et ensemble, nous en gagnerons ». Etrange raisonnement.
Les faits montrent d’ailleurs que l’on ne peut jamais se trouver en position monopolistique dans un secteur d’activité où on peut facilement créer sa propre compagnie aérienne. Au final, les charges montent, ne serait-ce que pour réaliser la fusion culturelle entre des transporteurs au départ différents et la concurrence reste.
Les arbres ne montent pas au ciel.
Il serait temps, plus que temps, que les dirigeants du transport aérien retrouvent simplement du bon sens.
Jean Louis BAROUX