Cette analyse jurisprudentielle concerne deux arrêts récents de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE).
Et, pour peu que l’on veuille ne pas trop mettre exergue les rapports traditionnellement difficiles entre les agents de voyages et les transporteurs aériens, ces deux arrêts sont simples à comprendre. Nous allons le faire en des termes simples et compréhensibles à toutes et tous.
Bien que le cadre des dossiers soient différents dans les deux cas, la CJUE a cherché à rectifier et à adapter des erreurs manifestes commises par des organisateurs de voyages au cours de l’exécution de leur contrat.
Ce faisant, la Cour de Justice s’éloigne quelque peu du cadre strict du règlement CE n°261/2004 en statuant sur des hypothèses assez peu prévues jusqu’à présent ? Impliquant indirectement les organisateurs de forfaits tourisme dans les rapports habituellement bilatéraux entre les transporteurs aériens et les passagers.
Une nouvelle étape dans un niveau de protection des passagers visant à être toujours plus élevé. Mais depuis toujours, c’est l’ambition affichée de la CJCE.
1°- Affaire C-650-23
Implique un transporteur aérien et un passager
Un passager disposait d’une réservation confirmée concernant un voyage forfaitaire en Crète.
La veille du départ du vol de retour, une information modifiant les horaires et la destination de son vol. Il lui était dit qu’il atterrirait à Vienne au lieu de Linz et avec un décalage de plus de 5 heures.
Le passager ne s’est logiquement pas présenté à l’aéroport. Sauf que le vol modifié était bien réservé et a décollé à l’heure initialement prévue.
La question posée à la CJUE était de savoir si la modification unilatérale pouvait être considérée comme un refus d’embarquement du transporteur aérien.
Il faut savoir que le nom du passager ne figurait pas sur la liste des passager transmise par le voyagiste à la compagnie.
Errare humanum est. Le passager sera indemnisé pour refus d’embarquement.
2° – Affaire C-705/23 Implique un organisateur de voyages et un transporteur aérien.
Deux passagers avaient réservé des forfaits touristiques à destination de Fuerteventura.
L’organisateur de voyages à informé les passagers d’une modification du vol aller qui partirait deux jours plus tard. Les voyageurs ont respecté la nouvelle convocation, pour s’apercevoir que le vol était bien parti le jour initialement prévu, sans eux.
Donc, ils étaient techniquement « no show. » Lors de l’instance, l’organisateur à fait valoir qu’il s’agissait d’un refus d’embarquement anticipé du fait du transporteur aérien.
Ils seront également indemnisés pour refus d’embarquement. Pour plus de compréhension cela mérité un complément d’explications techniques.
La CJUE alors fait une distinction entre l’annulation et le refus d’embarquement, car dans ce litige il est évident que les passagers n’avaient pas annulés eux-mêmes leur vol.
Le refus d’embarquement s’imposait. Mais le transporteur aérien pouvait-il être tenu responsable
Analyse jurisprudentielle des informations incorrectes que le voyagiste à communiquée aux passagers ?
La situation était nouvelle car le refus d’embarquement n’a pas été communiqué par le transporteur aérien, mais directement par l’organisateur de voyages. Une autre erreur.
Alors la CJUE a osé et l’a fait dans l’intérêt des passagers. La Cour a statué que si ces derniers disposaient, dans le cadre d’un forfait touristique, d’une réservation confirmée pour un vol il pouvait solliciter auprès du transporteur aérien effectif l’indemnisation prévue à l’article 7, dans l’hypothèse où l’organisateur de ce voyage a, sans en informer préalablement ce transporteur, avisé ce passager que le vol initialement prévu ne serait pas assuré, alors même que ce vol a été opéré comme prévu.
Ce « grand écart » à la logique de la responsabilité a été permis en partie grâce à l’Arrêt du 21 décembre 2021 qui établit que : « les passagers aériens peuvent se fier aux informations transmises par le transporteur aérien effectif ou par l’organisateur de voyages concernant l’heure d’embarquement ou leur transfert sur un autre vol. » ainsi que l’arrêt du 6 octobre 2023 : « le refus d’embarquement anticipé est caractérisé sans qu’il y ait besoin que le passager ne se présente à l’embarquement. »
« Personnellement, je ne pense pas qu’il y ait matière à s’inquiéter pour l’implication de la profession d’agent de voyages.
La possibilité de recours contre un agent de voyages est prévue à l’article 13 du règlement CE n° 261/2004 depuis sa publication. C’est-à-dire 20 ans » indique Arnaud Escabasse de la société spécialisée Mayday Assistance Travel.
Si tel n’était pas le cas, ce serait pour le France un véritable imbroglio juridique, car rappelons le notre pays est le seul en Europe à avoir conservé la responsabilité de plein droit du vendeur de forfaits touristiques.
François Teyssier