Clap de fin pour Air Berlin ?


Il fallait s’y attendre, la descente aux enfers de la compagnie emblématique berlinoise s’est terminée le 15 août dernier par une procédure de dépôt de bilan. Comment a-t- on pu en arriver là ?

Il n’est pas inutile de revenir sur l’histoire atypique de ce transporteur. A sa création en 1978, Berlin était encore sous le régime de l’occupation par les alliés de la Seconde Guerre Mondiale et une compagnie allemande ne pouvait pas opérer depuis l’ancienne capitale. C’est donc avec un certificat de transport américain émis en Floride qu’Air Berlin a pu être autorisée à démarrer son exploitation.

Dans un premier temps elle était basée sur des charters. Faut-il rappeler qu’à cette époque on était encore loin des accords d’ »Open Sky » qui régissent maintenant les opérations européennes.

Rappelons également que Berlin Ouest était enclavée dans l’Allemagne de l’Est, c’est-à- dire le bloc communiste. Et les berlinois qui avaient soif de liberté ont accueilli avec joie ce moyen d’évasion.

La réunification allemande en 1991 a modifié la donne et la compagnie a pu dès lors s’enregistrer comme une compagnie allemande avec un certificat de transport de son pays. Elle a dès lors développé son activité vers les vols réguliers à destination, pour l’essentiel, du bassin méditerranéen.

Et pour parachever sa respectabilité, elle est devenue membre de IATA . Les années 1990 et 2000 ont été fastes et Air Berlin, forte de son implantation dans ce qui était devenu la capitale de l’Allemagne, a commencé une politique d’acquisition de compagnies en difficultés telles que l’autrichienne Niki et l’allemande LTU qui lui ouvraient l’une et l’autre des perspectives d’exploitation long-courrier.

Mais ces développements ne se sont pas accompagnés de résultats financiers satisfaisants. A partir de 2008, la compagnie a commencé à perdre de l’argent et elle n’a cessé de s’enfoncer avec une petite ressource en 2012.

La dégradation des résultats n’a fait que s’accélérer pour passer d’une perte de 83 millions d’euros en 2008 à 420 millions en 2011 et jusqu’à 667 millions en 2016.

Entre 2007 et 2016, soit dix ans, Air Berlin a accumulé 2.389 millions d’euros de pertes dont 1.114 millions pour les deux seules années 2015 et 2016, soit tout de même plus d’un million et demi d’euros par jour et ce pendant 2 ans !

En fait les dirigeants ont bien vu l’inéluctable dérive des comptes à partir de 2008 et ils ont tenté de se sortir de cette situation en cherchant des alliances. C’est ainsi qu’ils ont rejoint Oneworld en 2012 et qu’ils ont accueilli à bras ouverts l’entrée d’Etihad dans leur capital fin 2011 à hauteur de 27 %, en espérant que la manne pétrolière de l’Emirat d’Abu Dhabi suffirait à combler les pertes à venir. Et c’est d’ailleurs ce qui s’est passé tout au moins jusqu’au début de cette année.

Les pertes de 2016 qui représentaient 17,6 % du chiffre d’affaires ont fini par lasser le bailleur de fonds du Golfe d’autant plus que celui-ci était confronté à une situation identique avec Alitalia tout en devant supporter la baisse de plus de 40 % du cours du pétrole qui constitue sa première ressource économique.

Remarquons tout d’abord que l’appartenance à une alliance, fut-elle à dominance anglo-saxonne, ne sert à rien lorsqu’une compagnie est en difficulté. Elle n’a rien à attendre d’une solidarité pourtant affichée de ses partenaires.

En fait les compagnies membres de ce genre de partenariat veulent bien partager les profits, mais en aucune façon les pertes.

Au passage, on peut se demander comment seront traités les « miles » accumulés par les voyageurs fréquents dans le but d’être consommés sur le réseau d’Air Berlin et comment les autres transporteurs de Oneworld accepteront sur leurs lignes les « miles » Air Berlin.

Et puis, il faut bien se rendre compte que les compagnies doivent se sortir toutes seules de leurs difficultés. A trop compter sur les autres, on ne fait pas à temps les réformes nécessaires et les conséquences deviennent irrémédiables.

Du temps de sa splendeur les dirigeants de la compagnie berlinoise faisaient preuve d’une arrogance que j’ai plusieurs fois expérimentée.

Forts de leurs succès passés, ils n’ont pas intégré les conséquences de l »Open Sky » européen et la concurrence féroce qui ne manquerait pas d’arriver sur le marché allemand, le premier d’Europe.

La prise de conscience est arrivée trop tardivement pour sauver la compagnie. Les clients ont le choix, ils achètent leur billet longtemps à l’avance pour bénéficier des tarifs les plus avantageux. Ils ont donc besoin d’avoir une énorme confiance dans le transporteur choisi et si celle-ci se met à faire
défaut, ils se détournent sans complexe vers celui qui leur semble le plus fiable.

Ce qui est arrivé à Air Berlin peut arriver à d’autres… hélas !

Jean-Louis Baroux





    1 commentaire pour “Clap de fin pour Air Berlin ?

    1. Bonjour,

      Nous avons acheté 2 billets (Genève Orlando via Dusseldorf puis La Havane Genève via Dusseldorf) pour le 15 décembre au 10 janvier 2017.
      Quelqu’un a des conseils ? Personne ne répond chez Air Berlin.

      Merci bien

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