Alitalia c’est fini ! Cette fois-ci, le 15 octobre prochain, après 74 ans de bons et loyaux services (hum…) Alitalia va définitivement rendre son tablier, et sur ses cendres va se lever une toute nouvelle compagnie aérienne ITA, Italia Transporto Aero, qui sera une compagnie publique propriété de l’Etat Italien via son Ministère de l’Economie et des Finances. Triste point final pour Alitalia, une compagnie dont toutes les tentatives de sauvetage ont été savamment torpillées par ses syndicats représentants d’un personnel pléthorique (11.000 salariés).
ITA qui a déjà récupéré deux Airbus d’Alitalia (un A320 et un A330-200) a pu effectuer les vols nécessaires et vient d’obtenir le 18 août dernier son AOC (Certificat d’Opérateur Aérien) et a aussitôt reçu son nouveau code d’identification ITY. Ce qui lui permet de commencer à vendre des billets pour des vols à partir du 15 octobre.
Un site internet, en version totalement provisoire, www.itaspa.com vient d’ouvrir et fournit quelques informations, mais la réservation et la vente de billets sur le site n’a pas l’air opérationnelle à ce jour.
Pour pouvoir créer ITA, le gouvernement italien a prévu un budget total de 3 milliards d’euros dont 700 millions ont été déjà versés et a dû négocier âprement avec Bruxelles, car pour éviter que cette opération ne soit retoquée par les tribunaux, il fallait une dissociation totale entre les 2 compagnies.
C’est pourquoi ITA ne peut reprendre que les activités aériennes d’Alitalia, en ne rachetant que la moitié de sa flotte, et en ne ré-embauchant qu’un maximum de 2.800 personnes, uniquement du personnel naviguant, pilotes et PNC. Les activités au sol et la maintenance vont être vendues par appels d’offres publiques à des consortiums.
ITA a été finalement autorisé à participer à ces appels d’offres mais seulement pour y acquérir des participations minoritaires. ITA prévoit au mieux d’arriver à 5.750 employés à fin 2025, et considère que les activités au sol et de maintenance ne concerneraient pas plus de 3.000 à 3.500 postes supplémentaires.
Fabio Lazzerini, le nouveau DG d’ITA, qui est lui-même un ancien directeur d’Alitalia, connait bien tous les problèmes qu’a affronté Alitalia et cela lui donne un avantage pour éviter à ITA les erreurs du passé.
Se recentrer sur le cœur du métier et éliminer les branches structurellement déficitaires. Mais il reste très réaliste et sait que, seule, une compagnie devra surement faire face à des difficultés de taille.
C’est pourquoi ITA est en discussion avec de grandes compagnies en vue d’établir des partenariats stratégiques afin de permettre à ITA un développement plus serein.
Avec l’arrêt brutal des vols d’Alitalia au 15 octobre, de nombreux passagers dont le Corriere della Sera estime le nombre à 255.000, sont titulaires de billets pour des vols Alitalia (ou même en code-share) prévus après cette date couperet et qui de fait perde toute validité.
Comme il est strictement interdit à ITA d’endosser des billets Alitalia, ces passagers font face à un dilemme, essayer de modifier les dates pour voler avant le 15 octobre ou bien demander un remboursement à Alitalia à qui le gouvernement vient d’allouer à cette fin un budget spécifique de 100 millions d’euros, qui a priori ne devrait pas suffire à couvrir tous les remboursements.
Et pour tous les membres du club MilleMiglia, les voyageurs fréquents d’Alitalia, aucune chance d’utiliser leurs miles ou de bénéficier de quelque avantage que ce soit après le 15 octobre. Ils n’auront que leurs yeux pour pleurer devant leurs milliers de miles devenus subitement sans valeur et qu’ils ne pourront utiliser nulle part.
Pour obtenir les autorisations nécessaires pour sa création, ITA a dû tailler dans le vif de ce qu’il était possible de racheter à Alitalia.
Dès le départ ITA ne pourra conserver que 43 % des slots d’Alitalia à l’aéroport de Rome Fimicino et 85 % de ceux à Milan Linate. Ce qui veut dire une réduction drastique des routes desservies.
ITA a annoncé garder un réseau national assez dense avec pas moins de 16 aéroports italiens. A l’international ITA veut continuer à assurer une desserte régulière des principales grandes villes européennes, plus Alger, Tunis, Le Caire et Tel Aviv. Pour l’intercontinental, plusieurs destinations vont être abandonnées, ITA n’assurera au tout début que des vols vers New York, Tokyo, Boston et Miami. Mais ITA prévoit d’y ajouter, à partir de l’été 2022, Los Angeles, Washington DC, Sao Paulo et Buenos Aires.
Pour assurer ces vols, ITA va racheter immédiatement à Alitalia 52 appareils dont 7 gros porteurs. L’essentiel de sa flotte sera composé d’Airbus A 320.
Mais d’ici 2025 ITA prévoit de doubler sa flotte à 105 appareils dont une bonne vingtaine de gros porteurs. Cette flotte sera alors composée à 75 % d’appareils de nouvelle génération. A cet effet ITA est en pleine négociation avec Airbus et Boeing pour un méga contrat de 81 nouveaux avions moins gourmands et plus écolo-compatibles. Les toutes dernières rumeurs laissent entendre qu’Airbus tiendrait la corde.
Le business plan d’ITA prévoit un équilibre opérationnel à fin 2023. Il tient compte entre autres des nouveaux contrats de travail que signeront les nouveaux employés de la compagnie et qui devraient permettre une meilleure organisation du travail et un service plus efficace. C’est un plan que l’on pourrait classer comme très ambitieux pour ITA en ces temps où l’aviation commerciale mondiale a du mal à se relever de l’impact du coronavirus, et où la concurrence des low-costs peut être sans pitié.
Déjà Eddie Wilson, le CEO de Ryanair, a annoncé que Ryanair ouvrait des bases à Turin et à Venise, qu’il rajoutait des appareils sur ses bases de Naples et Bologne et surtout qu’il positionnait 3 appareils supplémentaires à Rome Fiumicino. C’est de bonne guerre.
Mais Ryanair qui est souvent le champion des aides locales sur les petits aéroports secondaires, est aussi le champion des dénonciations de toute aide étatique qui ne lui semble pas conforme à ses propres intérêts.
C’est pourquoi Eddie Wilson a déclaré que pour défendre ses intérêts il envisageait d’attaquer le versement des 3 milliards d’euros pour la création d’ITA devant les tribunaux car pour lui ce ne serait qu’un prêt déguisé à Alitalia. Et c’est précisément pour éviter cela que les règles de distanciation entre Alitalia et ITA sont si strictement appliquées. Mais il n’y a rien de mieux qu’un vilain procès pour gêner un concurrent !
Frédéric de Poligny