Autocars Tourisme, y a encore du boulot !

31 octobre 2013   Jean-Pierre Michel   Aucun commentaire   Chroniques, Groupes/CE, Transport       3079 vues

« Les voyages sont la partie frivole de la vie des gens sérieux, et la partie sérieuse des gens frivoles. » disait Anne Sophie Swetchine.

Joli préambule pour taquiner la suite du « Fabuleux destin d’Amélie Poulautre, accompagnatrice » sujet intarissable, mais que nous isolerons provisoirement, face à une actualité « voyageurs » dense et sérieuse qu’il semble incontournable de commenter en priorité.

Tout d’abord, impossible de faire l’impasse sur le 21ème Congrès de la FNTV, journée magnifiquement orchestrée qui revient chaque automne, à l’époque de la réception des feuilles d’impôts, et qui réunit en masse les professionnels adhérents à la Fédération.

Un an sur deux, elle permet de surcroît à ses participants de faire d’une pierre deux coups en prolongeant la récréation avec un petit saut de puce vers la Belgique, et plus précisément à Courtai en Flandres… une fois !

C’est en effet dans cette toute petite localité Belge (où l’on dit volontiers « bus » plutôt « qu’autocar » ) que se tient le très prestigieux salon européen « Busworld » que nous évoquerons la semaine prochaine.

C’était donc, ce 16 octobre… rue Saint Dominique, tout près de l’Assemblée nationale, que se réunissaient plus de cinq cents pèlerins vêtus de leurs costumes sombres de cérémonie assortis de cols blancs… lesquels se sont pressés en bon ordre, bras dessus-bras dessous pour les meilleurs ennemis… aux portes de la Maison de la Chimie, lieu prestigieux de ce grand rendez-vous.

Un aréopage d’adhérents de la Fédération, de journalistes, de secrétaires de régions et de professionnels de la mobilité, tous invités à participer à des tables-rondes, dont l’objectif supposé était d’apporter des réponses aux préoccupations actuelles de la profession, le thème du jour étant : « Autocars et mobilités de demain ».

Le programme était visiblement (terme à la mode) d’une envergure bien ambitieuse pour une simple journée de 6 petites heures… agapes et assoupissements compris !

Les sessions étaient nombreuses, parfois récurrentes, à l’abri des modes et du temps… mais ne débouchant sur aucune solution simple ou immédiate, avec pour principal mérite le soulagement d’en parler !

Qu’il s’agisse des réformes des collectivités et de gouvernance des territoires, de la complémentarité et de l’harmonisation des modes de transports, des évolutions techniques imposées pour la mise en circulation des autocars, ou bien des aménagements des infrastructures routières… Ce sont autant de serpents de mer qui se mordent la queue à force de tourner en rond et de s’emberlificoter… le statu quo restant malheureusement de mise dans la plupart des régions !

Saluons toutefois l’apparition très courageuse de Guillaume Pepy, président de la SNCF, vice-président du groupe Kéolis (petit frère de la précédente), ancien directeur de cabinet de Martine Aubry… (grande inquisitrice de la profession grâce à ses inadaptables 35 heures)… qui intuitu personæ, était venu visiblement pour remercier par sa présence et au nom de sa boîte, tous ses adversaires, mais clients aussi rappelons-le, venus gonfler sa recette du jour en empruntant les « services » prohibitifs du TGV…

Tous l’ont bien entendu : « il faudra désormais travailler l’image de l’autocar » appréciation de base essentielle, et très partagée incontestablement, mais à laquelle tous ont visiblement envie de répondre « on t’a pas attendu, mon pote ! »…

Autre suggestion aussi spontanée que chargée d’espoir… « l’offre autocar pourrait être parfois (?) plus qualitative que celle du train ( ?)».

Putain, il est vachement gonflé le patron de la danseuse de la république, président de l’une des plus grosses boîtes de France qui coûte plus cher au citoyen que la sécu… Aurait il oublié de vérifier le coût de revient passager/kilomètre de sa boite avant de balancer une idée aussi explosive ?

Carrément faux cul dans sa déclaration, il faut le dire, bras croisés face à tous les transporteurs, y compris ses lieutenants ravagés de gratitude : « 20 % des services régionaux s’effectuent déjà par autocar ! »

Il eut été pour le moins élégant de préciser que 20 % de ces services sont assortis d’appels d’offres peu favorables aux transporteurs ici présents, du fait de la position dominante de son excellence révérendissime « Keolis 1er « .

Allez, comme on est très poli, il ne reste qu’à applaudir…. Ça y est, c’est fait ! Y sont pas rancuniers, les « Voyageurs » !

On ne remarque que du beau monde autour de la table ronde qui traite de la réforme des collectivités territoriales et de leurs gouvernance : de gauche à (et de) droite député, président, sénateur, directeur général adjoint des services… tous en costume sombre, car ici encore, visiblement, on ne discute pas de choses légères….

Entre inter-modalité et coordination régionale, la place du département fut semble-t-il fortement soulignée, détruisant au passage le secret espoir de certains de voir sauter un étage de fonctionnaires…

On papote… On s’interroge sur la pertinence des dessertes sur les territoires… Cause toujours, çà m’intéresse !

Pour être crédible, on donne même des exemples d’expériences réussies dans le cadre de coordinations où tous les modes de transports font preuve de pertinence (Dieu merci !)… On va (soyons complètement fous) jusqu’à reconnaître qu’il faudra faciliter la circulation de l’autocar en ville… Là, on touche au délire… car, dites-moi, où sont-ils passés les élus qui veulent expulser les cars de tourisme de leurs cités, hein ?

Dans le cadre d’une série d’échanges croisés sur l’évolution des transports, le président prend la main pour piloter la suite des débats : complémentarité, choix des infrastructures, dernières évolutions de l’autocar… auxquels se succèdent les interventions d’un député, d’un consultant transport espagnol, d’un secrétaire de coopération franco-suisse, d’un vice-président de conseil général, d’un vice-président aux relations transfrontalières… vice et revice !

En attendant la rituelle intervention du ministre qui daigne honorer le congrès de son passage pour signer la morale du jour… tous sont contraints de subir le sujet brûlant, hyper-sensible… celui que l’on prend avec des pincettes… bouteille à encre technologique actuelle d’une profession qui va payer au prix fort la charge colossale des aménagements liés à l’accessibilité des personnes handicapées à bord des autocars…

Là, on ne plaisante pas, c’est vraiment du lourd ! Intervention de l’administrateur de l’association des paralysés de France et de la déléguée ministérielle à l’accessibilité : la loi handicap doit être aménagée et il convient de traiter en urgence une programmation commune, le chantier s’ouvrant sous peu, la FNTV toujours en attente d’ éclaircissements…

Clôture de la manifestation par le discours du Président de la FNTV suivi de celui du Ministre Délégué aux Transports, dont l’apparence sympathique, la bonne mine et le quadruple menton nous consolent tous. Qu’on se rassure, on ne meurt visiblement pas de faim à l’assemblée nationale.

Si l’on en croit les rumeurs, on sera tenu d’admettre que les congressistes n’auront strictement rien appris de nouveau de la part de ce ministre, dont les déclarations confirment qu’il n’a effectivement rien à dire de plus que ses collègues, membres d’un gouvernement qui se singularise précisément par une inexpérience sans faille et un manque d’à-propos récurrent dans tous les domaines !

Monsieur Cuvillier a judicieusement insisté sur la ligne de conduite commune adoptée et suivie par l’ensemble de ses pairs, et rassuré une assistance visiblement gorgée de gratitude en assurant (à peu près) en ces termes que « l’année qui se profilait serait cruciale et marquerait un tournant décisif dans la politique des transports de voyageurs. »

Suite à cette déclaration défrisante, la minorité des professionnels encore présente et alerte a tendu l’oreille avec dévotion, afin de bien savourer une perspective à ce point jubilatoire…

On comptera de nombreux déçus pourtant….. Ceux qui espéraient une grâce présidentielle sur le taux de TVA appliquée au moment où leurs boîtes seraient confrontées au dépôt de bilan… Ceux qui espéraient savoir si les potences de « l’Eco-taxes » allaient elles aussi leur passer un nœud coulant autour du cou…

Après les traditionnelles effusions et les ostentatoires serrements de mains échangés avec le Président et le Secrétaire Général, y compris les photos de famille immortalisant la scène, notre grand serviteur de l’Etat en service commandé rattrape la sortie d’un pas honnête, modeste et sans reproche.

Nul doute que Monsieur Hollande, tout juste rentré de sa visite en Afrique du sud, l’interrogera sans délai pour s’informer sur le témoignage du conducteur de l’autocar, témoin du cravatage à bras le corps de la petite Léonarda…

De tourisme en autocar, il ne fut peu, voire point question !

(A suivre)

Jean Pierre Michel