ArcelorMittal à Gandrange, Molex à Villemur-sur-Tarn, Continental à Clairoix, Philips à Dreux, Lactalis à Xertigny… Actualité oblige, la désindustrialisation de la France s’est imposée comme un des grands thèmes de l’élection présidentielle.
Le débat a repris avec d’autant plus de vigueur que le déficit de la balance commerciale s’est un peu plus creusé en 2011.
La classe politique est désormais unanime pour considérer que ces deux problèmes sont liés et que la seule façon de combler notre déficit est de réindustrialiser la France.
Le seul problème est que cette volonté affichée relève du voeu pieu.
Voilà quarante ans, la France a fait le choix de se désengager du secteur industriel, où, il faut avoir le courage de le dire, elle n’était plus compétitive sur bon nombre de produits manufacturés.
Un retour en arrière n’est ni possible ni souhaitable.
Au fond d’eux-mêmes, la plupart des politiques et des économistes le savent très bien. Alors pourquoi la complainte de la désindustrialisation revient-elle avec autant d’insistance ? Tout d’abord, la France mesure son activité commerciale au moyen d’un outil qui n’a rien de comparable avec celui de l’Allemagne. Tandis que notre voisin intègre dans sa balance commerciale les biens manufacturés et les services, la France, elle, ne communique fortement que sur la balance des biens manufacturés. D’emblée, la démonstration est donc biaisée.
En comparant les deux pays sur une base intégrant l’industrie et les services, l’équilibre n’est pas rétabli mais le décalage entre les deux économies est nettement moins accentué. En 2010, si les services avaient été comptabilisés dans la balance commerciale française, le déficit aurait été réduit de 20 %. En effet, notre balance des services est excédentaire de 10 milliards alors que celle de l’Allemagne est déficitaire de plus de 20 milliards d’euros.
Ce problème de mesure a déjà été relevé à plusieurs reprises, notamment par le Sénat. Pourtant, nous continuons, et les médias au premier chef, à communiquer fortement sur des chiffres qui ne sont pas comparables.
Cette mauvaise habitude s’explique en grande partie par l’importance historique que nous accordons à l’industrie et le peu de cas que nous faisons du secteur des services non dépendants de l’industrie.
Qui sait aujourd’hui que l’industrie ne représente plus que 15 % du PIB ? Qui peut raisonnablement penser que, face à la concurrence allemande et asiatique, la France est en mesure d’inverser cette tendance ?
Il est grand temps que la France fasse preuve de lucidité. Elle doit cesser de cultiver la nostalgie d’une époque où elle fabriquait ce qu’elle consommait. Fabriquer exclusivement français relève autant de la lubie que de l’utopie.
Il est temps que notre pays accepte de voir son économie telle qu’elle est avec ses faiblesses mais aussi ses formidables atouts.
La France est tertiaire non pas par défaut mais par choix. Elle n’est pas et ne sera jamais l’Allemagne.
Le tertiaire est la dominante des économies avancées. Ces économies immatérielles trouvent en elles leur propre ressort pour peu, c’est vrai, que l’on s’inscrive dans une économie mondialisée, où chacun se concentre sur ses meilleurs atouts.
Nous avons dans ce domaine des spécificités qui sont autant de cartes à jouer. Le tourisme en est un bon exemple.
La France accueille chaque année plus de 80 millions de touristes, dont une grande part d’étrangers qui contribuent à rendre notre balance des services excédentaire.
Au même titre que le luxe, le tourisme capitalise sur l’image de la France, ce qui, dans le contexte actuel, constitue un de nos plus beaux atouts.
Considérons enfin l’économie des services pour ce qu’elle est : un secteur où la qualité prime sur la quantité, où les activités sont plus difficiles à délocaliser et où les potentiels de croissance sont les plus importants.
Dans le contexte actuel, c’est la seule voie possible pour la France, la seule où l’on puisse à la fois faire preuve d’ambition et de réalisme.
Richard Vainopoulos